Pratique de ne plus avoir à retenir de nom d’auteur ou même de titre. Avec 17 000 like dont 70 en provenance de profils affichant les mêmes préférences littéraires que les siennes, Monsieur Toumaurau voit, en même temps qu’il règle 6 euros depuis son cellulaire, s’afficher sur l’écran de sa liseuse qu’il n’a que 17% de chances de ne pas aller au bout de le lecture du roman Bit.ly/Ep6bCKtt. Il commence à lire et à générer des liens sponsorisés qui, s’il s’applique, lui rapporteront un peu plus de 2 euros la semaine. Ce qui ramènera donc le prix d’achat de son roman à moins de 4 euros net. Monsieur Toumaurau est un bot, un lecteur industriel, un robot de dernière génération qui indexe en temps réel les ouvrages disponibles et génère des liens sponsorisés. Il est 19h01 sur le réseau. Monsieur Toumaurau habite Lyon.
Le web s’est construit sur des contenus, bénéficiant d’un adressage stable, contenus librement accessibles et explicitement qualifiables au moyen des liens hypertextes. Ces 3 piliers sont aujourd’hui ouvertement menacés.
Saturation. Epuisement. Externalisation. Les 3 fléaux.
Facebook, Google, Apple, Twitter sont des dévoreurs d’espace. Ils ont colonisé le cyberespace. Ils y ont installé leurs data centers. Ils y ont instauré des droits de douane. Ils ont décidé qu’il serait plus “pratique” pour nous de ne pas pouvoir télécharger et stocker un contenu que nous avons pourtant payé, qu’il serait plus pratique d’y accéder en ligne. A une adresse qui n’est plus celle du contenu mais celle du service hôte. Leur adresse. Ils ont décidé d’organiser la hiérarchie et la visibilité de ces contenus à l’applaudimètre. Ils ont décidé que nos messages seraient limités à 140 caractères. Ils nous ont contraint à passer par des adressages indéchiffrables (url shorteners) pour pointer vers un contenu.
Consentement en clair-obscur. Les choses ne sont naturellement ni aussi simples ni aussi noires. Nous avons soutenu ces projets ; nous avons peuplé ces espaces vierges ; nous avons profité des infrastructures qu’ils mettaient à notre disposition gratuitement. Nous avons emménagé librement dans ces colonies.
Retour aux fondamentaux. Le rêve réalisé de Tim Berners Lee et des autres pionniers avant lui était celui de l’infini des possibles, celui d’une écriture dans le ciel que rien n’entrave. Certainement pas le projet d’une inscription, d’une engrammation dans des nuages fermés et propriétaires.
Pour les contenus. Le droit d’avoir une adresse stable. Le droit de pouvoir y être trouvé, retrouvé. Le droit au stockage local sans lequel il n’est plus de droit de transmettre un bien (culturel) en dehors du super-marché qui l’héberge.
Que serait Sisyphe sans mémoire ? Les sociétés humaines, les “civilisations” se construisent sur de la mémoire. Sur une mémoire partagée et rassemblée et non sur des fragment mémoriels largement “partagés”, en permanence “disséminés”, épars. Le seul vrai projet pour civiliser l’internet serait d’empêcher cette priva(tisa)tion de nos mémoires, de nos mémoires intimes, de nos mémoires sociales, de nos mémoires culturelles. Des bibliothèques y travaillent, avec le dépôt légal de l’internet, avec le Hathi Trust pour la numérisation des oeuvres libres de droits, y compris même en archivant la totalité de Twitter. Elles essaient. Elles tatônnent encore parfois. Mais elles ont compris. Pas de mémoire sans archive. Pas d’oubli sans traces effacables. Pas de civilisation sans patrimonialisation pensée. Le temps de cerveau reste disponible. Le temps d’accéder à nos mémoires est compté. Nous seuls en sommes comptables. Sauf à considérer que …
… Nos mémoires ne valent pas un cloud.
<Update> Dans la guerre qui s’annonce entre les lieux de mémoire et de conservation que sont les bibliothèques d’une part, et les grands acteurs commerciaux de la marchandisation des accès mémoriels que sont les big four suscités d’autre part, il est urgent de rappeler que les premières sont dans une situation critique en Angleterre, en Espagne, aux Etats-Unis … sans parler de celles du Portugal, de la Grèce, etc … </Update>
A l’origine de ce billet :
- L’entrevue éclairante avec Tim Berners Lee dans le dernier numéro de Pour la Science.
- Un tweet signalant le service http://urlte.am/ qui tente, un peu à la manière du Hathi Trust dans un autre domaine, de bâtir une archive stable et pérenne des adresses raccourcies.
Billet initialement publié sur Affordance.info
La très officielle enquête des pratiques culturelles des Français de 2008 montre ainsi que nous lisons moins d’imprimés et préférons davantage le web et le multimédia. Riches heures que celles de l’hypertexte et du collaboratif : on cherche et co-construit du savoir sur Wikipedia ou Open Content Alliance. On va et apporte des news sur des sites de data-journalisme comme Owni ou Openleaks. Il semblerait que les citoyens aient fait sa fête au savoir encyclopédique, que les flux numériques aient gagné contre les stocks des collections imprimé.
Il y a aussi Google. La petite fenêtre du moteur de recherche rend sacrément service quand il s’agit d’aller à la pêche à n’importe quelle info. Les programmes Google Books et Google Libraries travaillent quant à eux à numériser des millions d’ouvrages et documents à l’échelle planétaire… patiemment sélectionnés et préservés par des bibliothécaires au fil des siècles.
Dans une tribune désormais fameuse intitulée La bibliothèque universelle, de Voltaire à Google, le directeur de la Bibliothèque de Harvard, Robert Darnton, donne le ton : numériser oui, encore faut-il que ce travail respecte les droits d’auteur et s’inscrive dans un souci d’accès durable au savoir par tous, dégagé des vicissitudes de l’offre marchande.
Vu les tractations tendues ici, là et là-bas avec la firme californienne, ce n’est pas encore gagné. Certes, Google n’est pas (encore ?) capable de proposer l’équivalent d’une bibliothèque numérique comme Gallica ou Europeana.
Mais tout de même. L’accès facile et instantané à toute l’information mondiale par le web et les formats numériques peut renforcer l’image vieillotte de la bibliothèque et du bibliothécaire. Ou plutôt de la bibliothécaire : vieille fille austère davantage habituée à ranger des bouquins sur des rayons qu’à conseiller le lecteur et animer les foules. Pour peu que vous lui demandiez une information, vous risquez le “il faut aller voir dans l’autre service”.
Une question un peu précise ? Voilà votre vieille fille de chercher sur Google, ce que vous auriez pu faire vous-même. Frustré(e), vous retournez à votre place en doutant que la bibliothécaire connaisse aussi bien l’affaire Wikileaks et la série des Grand Theft Auto que les œuvres de Virgile. Pas étonnant qu’aucun bibliothécaire n’ait marqué l’Histoire ! Borgès ? Bataille ? Leibniz ? Connais pas ! Barthes ? Ah oui, le footballeur…
De leur côté, les gouvernements semblent se dire que le droit à l’information et à la formation du citoyen n’est qu’un gadget démocratique coûteux. Le Manifeste de l’Unesco et de l’IFLA sur la bibliothèque publique ? Mythologie hippie ! Outre Manche, les coupes budgétaires forcent les bibliothèques à privatiser, externaliser, privilégier le bénévolat au salariat… ou à fermer.
La résistance s’organise comme elle peut avec des collectifs de soutien comme la Save our library day organisée par la puissante CILIP. Une cartographie des exactions ici. En France, la Loi sur l’autonomie des Universités (LRU) n’oblige plus les Services communs de documentation (dont font partie les bibliothèques universitaires) à siéger aux conseils d’administration. Plus globalement, que ce soit dans la fonction territoriale ou d’État, les postes se raréfient. C’est le fameux 1 sur 2, complètement trendy chez les libéraux.
Les bibliothèques, c’est un peu le verre à moitié vide ou à moitié plein. Face aux mutations rapides du traitement de l’information, du savoir et des sociétés, leurs fonctions sont en pleine mutation. Mais rassurons-nous, l’avenir est incertain pour tout le monde. Si en France, aucune loi ne définit les missions des bibliothèques, sans doute vaut-il mieux considérer ce vide juridique comme un espace de liberté. Commençons par nous rappeler que la lecture est un acte éminemment politique, une lutte contre les conformismes, le mercantilisme et la banalisation de la nouveauté.
Lire, c’est lier aussi. La bibliothèque est un espace public ouvert à tous. Implanter une bibliothèque dans un département, une ville, un quartier est un acte fort pour des élus. Au même titre que les médias, la bibliothèque, c’est une certaine idée de l’Homme dans la cité et de la cité elle-même. En termes de comm’ institutionnelle, la présence d’une bibliothèque est une vitrine renvoyant à la population l’image d’un territoire démocratique, éclairé et contemporain, d’où l’importance d’un architecte côté. Elle valorise aussi bien l’élu que les bénéficiaires en renforçant le sentiment d’identification à un lieu précis, à un vécu commun.
On se répète, mais des établissements comme Le Rize de Villeurbanne ou les Idea Stores londoniens, tous implantés dans des quartiers populaires, mettent les populations au cœur de leur politique documentaire et d’activités afin de renforcer accès au savoir et le lien social. Ils participent à un changement de mentalité, d’imaginaires, notamment chez les jeunes, en proposant une ouverture sur le monde, un autre rapport au savoir, voire au livre.
Implanter une bibliothèque est tout autant une opération d’urbanisme, d’aménagement du territoire : en tant qu’équipement culturel, elle peut aussi bien préfigurer la réactivation d’une zone marginalisée que développer un territoire très peuplé ou attractif.
Organes du service public, les bibliothèques ont à cœur de garder une utilité sociale en proposant un vaste pan du savoir universel. Elles s’attachent à constituer, conserver, actualiser et rendre disponible des collections de documents variés à des publics variés. Elles veillent à répondre aux besoins des citoyens en information, culture, loisir, formation, travail de recherche… et même de sociabilité et de farniente.
La fréquentation de bibliothèques, de la presse spécialisée (telle le BBF, Bibliothèques ou les publications de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et d’institutions) ou encore de blogs de pros comme celui de Silvère Mercier, Bibliobsession ou le Nombril de Belle Beille, d’Olivier Tacheau nous fait comprendre que dès aujourd’hui et plus encore demain, les bibliothèques et leurs bibliothécaires ont un rôle essentiel à jouer dans la vie de l’espace public et le traitement de l’information, au même titre que le journaliste, l’élu ou le chercheur.
Les bibliothèques sont sur le point d’opérer le passage de structures de prêt à agences de service de contenus. Nouveauté ? Le bibliothécaire visionnaire Eugène Morel disait déjà en 1909 que les bibliothèques ne ser(aie)nt plus des monuments mais des agences…
L’une des plus belles perspective réside ainsi dans le fait de constituer des collections hybrides, composées de documents numériques et papier. On se force à penser le contraire, mais les deux font bon ménage. Plus encore, le binarisme “flux des réseaux numériques” versus “stock des supports papier” ne convainc que les geeks les plus bornés. C’est justement la définition basique de la politique de contenus que de garder une trace, une mémoire de tout document pour les générations présentes et futures.
Au bibliothécaire donc de stocker aussi les informations les plus pertinentes issues du numérique et de faire circuler tout autant les documents papier en réserve. Belle carte à jouer : le bibliothécaire a un atout sur le web car si celui-ci ne propose qu’un chaos d’informations, le premier rassemble certaines d’entre elles pour constituer du sens, de la connaissance. Un ensemble hétéroclite d’informations fragmentaires ne fait un savoir.
Le bibliothécaire sélectionne l’information la plus exacte, la plus représentative d’une situation, d’une époque et la contextualise dans un ensemble de documents aux supports variés, la collection. Comme le dit bien Gilles Eboli [PDF] de la Bibliothèque de Marseille à vocation régionale, le bibliothécaire crée du sens en sélectionnant des flux rss, en proposant des agrégateurs de flux, des bases de données, en proposant des webographies et des services de signets sociaux, tels les Guichets du savoir de la BM de Lyon, au même titre que des livres, revues papier, estampes, photographies, supports audio-visuels… Les plus développeurs des bibliothécaires se lancent déjà dans l’archivage du web, notamment au sein de l’International Internet Preservation Consortium [EN], ou l’Internet Memory Foundation [EN]. Joli service rendu à la communauté, non ?
Autre carte à jouer : impliquer l’usager dans la chaîne du traitement de l’information et de la co-production de savoir. Loin d’être des concurrents prédateurs, Wikipedia et le data-journalisme participent de la même construction de l’espace public. Aux bibliothèques de mieux s’y positionner, par exemple en donnant la possibilités aux usagers de co-réaliser des fiches signalétiques, des commentaires sur les notices bibliographiques, de participer au classement des ouvrages les plus empruntés (facing, tables de présentation des coups de coeur…). Aux bibliothèques également d’animer des communautés d’e-lecteurs, d’être présentes sur des bureaux virtuels et autres wikis.
Enfin, troisième carte à jouer – probablement celle maîtresse : la médiation entre des collections et des publics spécifiques. En cela, le bibliothécaire rejoint l’anthropologue ou un DJ dans leur position de passeur. Derrière la portée presque romantique du propos, des actions concrètes : connaître suffisamment les publics de sa bibliothèque pour leur proposer des projets et des évènements adaptés (expos, rencontres avec des auteurs, conférences), savoir doser et valoriser les documents numériques, les livres, les revues, disques, DVDs, offres de formation… Ne pas hésiter à agrandir les salles des périodiques et d’accès à internet, de réduire les rayons livres, tout en mettant en place des actions de valorisation de ces derniers. Ce qui implique d’acquérir des compétences en animation culturelle.
Il y a lieu d’être optimiste : bien des médiathèques des grandes villes françaises proposent déjà tous ces services. On y trouve aussi, comme dans les B.U de Barcelone, de plus en plus d’espaces garnis de poufs moelleux et de cafés. Choquant ? Non, c’est accepter que les collections sont aussi un lieu de sociabilité, la place publique où il est même possible de ne rien faire, et gratuitement. Se sentir chez soi à la bibliothèque, une living room library… Cette dernière notion implique aussi de s’adapter aux temps de vie des citadins. Pourquoi ne pas ouvrir les bibliothèques davantage le soir pour les salariés et le dimanche, pour les familles ?
En ces temps de constante réduction des libertés dans les espaces communs et de brouillage de l’espace public, les bibliothèques ont un rôle éminemment politique à y jouer. Quant au métier de bibliothécaire, c’est un hybride actuel tirant déjà vers demain : un peu archiviste, documentaliste, informaticien, journaliste/veilleur, animateur/médiateur et conseiller des élus, il correspond bien mal au cliché de l’intello planquée et timorée. Pour lui comme pour les autres, les temps sont troubles, mais il a compris que des places sont à prendre dans le train de la démocratie, dans toutes les classes.
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> Article publié initialement sur Microtokyo sous le titre Les bibliothèques sont-elles tendances dans le futur ?
]]>J’avais émis il y a quelques jours le constat suivant : Les bibliothèques ne seront perçues comme des intermédiaires utiles que si elles combinent une valeur ajoutée en terme de médiation, de services, voire de contenus exclusifs par rapport à une offre commerciale grand public. Comment cela peut-il se traduire dans un modèle d’affaire ?
C’est le pari tenté par les médiathèques Alsaciennes. Voici la présentation du projet qui a bénéficié du soutien du Ministère de la Culture dans le cadre de son appel à projet culturel numérique innovant.
La dématérialisation progressive de la musique amène les bibliothèques de lecture publique à revoir leur manière d’assurer leur rôle de diffusion et de pédagogie autour de la musique. Plutôt que le téléchargement qui impose de nombreuses contraintes à l’usager, les bibliothèques alsaciennes souhaitent mettre en œuvre une offre légale d’écoute en ligne (streaming) afin d’offrir un accès facile et rapide à une offre musicale dématérialisée via un simple navigateur. Ainsi les adhérents des bibliothèques alsaciennes participant à UMMA bénéficient d’un accès privilégié à une version dédiée de musicMe dont les pages et les services sont entièrement réservés à UMMA.
Cette version spécifique de musicMe donne accès à l’écoute en streaming d’un catalogue de 6 millions de titres (4 majors et 780 labels), des discographies complètes, des photos et vidéos d’artistes ainsi que des radios thématiques et des radios intelligentes (musicMix).
Une plateforme de découverte musicale entièrement gérée par les bibliothécaires musicaux. Par ailleurs, les fonctionnalités de radios permettent aux bibliothèques de construire des parcours de découvertes musicales en lien avec leurs missions pédagogiques. Courant juin 2010, les bibliothécaires musicaux pourront en outre modifier toute la partie éditoriale du site : gestion des albums en page d’accueil, gestion des rubriques « nouveaux talents » et « albums à découvrir », programmation de vos canaux radios, intervention dans les rubriques de recommandations d’artistes similaires, dans la gestion des genres musicaux et modification dans les biographies d’artistes. Une API permet aussi de proposer, quand c’est possible, l’écoute d’un extrait lors de la visualisation d”une notice sur le catalogue en ligne de la bibliothèque.
Quels résultats pour cette expérimentation ? Selon Xavier Galaup, son initiateur :
“Avec presque 300 inscrits sur les deux sites, 36 radios créées et 1500 Euros de coût lié à la consommation, je peux déjà dire que l’expérience est réussie au-delà des objectifs fixés au départ à savoir réussir à attirer un public significatif, maîtriser les budgets et s’approprier la plate-forme pour la médiation numérique. La collaboration avec musicMe est très bonne même si en utilisateur exigeant nous aurions aimés quelques évolutions plus rapidement. D’un autre coté, musicMe a développé la possibilité de personnaliser les albums à la Une et dans tous les genres musicaux ainsi que de modifier le contenu de certaines parties du site. Ce qui n’était pas prévu dans le cahier des charges initial… Rappelons que nous avons à faire à une petite entreprise d’une douzaine de personnes gérant plusieurs marchés en même temps…
J’attends maintenant avec impatience l’ouverture des deux autres sites pour voir l’écho auprès du public et les réflexions apportées par d’autres expérimentateurs. Fort de ces premiers mois, musicMe prépare et ajuste pour 2011 son offre aux bibliothèques. Nous vous tiendrons au courant.”
L’exemple illustre que la médiation numérique peut en soi-même constituer une valeur ajoutée monétisable auprès d’un fournisseur de contenus. Plutôt que de vendre des contenus à l’acte, on propose aux usagers un accès illimité et on vend aux bibliothèques des services leur permettant de mettre en œuvre une médiation numérique efficace.
Même si ici le modèle est hybride puisque le fournisseur tarifie l’accès aux contenus et la consommation à l’acte en amont de l’écoute par l’utilisateur, on peut tout à fait imaginer creuser ce modèle vers la fourniture de services permettant une médiation efficace, de nature à conserver l’attractivité du modèle et la soutenabilité de l’offre pour les budgets des bibliothèques. Le modèle montre en outre qu’il est tout à fait possible de quantifier et de tarifer chaque écoute ou chaque accès en streaming depuis une plateforme en maintenant une illusion d’illimité pour l’usager sur le modèle du “buffet à volonté” où les usagers s’auto-régulent.
Autre exemple, celui de Revues.org très bien expliqué par Pierre Mounier :
nous avons élaboré un modèle économique et une proposition commerciale permettant de soutenir la diffusion en libre accès sur le web des résultats de la recherche en sciences humaines et sociales. Ce modèle, baptisée OpenEdition Freemium, déconnecte l’accès à l’information, qui reste libre, de la fourniture, payante cette fois, de services supplémentaires. Conséquence : les contenus (livres, revues, carnets, programmes scientifiques) restent diffusés en libre accès pour tous dans le format le plus universel et le plus accessible : celui du web. Mais nous vendons des services supplémentaires qui permettent par exemple de télécharger des fichiers pdf ou epub à partir de ces contenus (pour les lire plus confortablement ou les enregistrer plus facilement), d’accéder à des statistiques de consultation, de bénéficier d’alertes personnalisées sur ces contenus, ou encore d’ajouter facilement les titres au catalogue.
Qui sont les destinataires de ces services payants ? Les bibliothèques bien sûr, en priorité, qui retrouvent par ce moyen la possibilité d’acquérir (des services) pour des contenus en libre accès et peuvent donc réintégrer le circuit documentaire. Qui sont les bénéficiaires des revenus ainsi obtenus ? Les producteurs de contenus en libre accès, les revues et leur éditeur particulièrement, qui trouvent ainsi un soutien dont ils ont très souvent besoin pour pérenniser et développer leur activité.
Qu’essayons-nous de faire ? Nous tentons de reconstruire une alliance stratégique entre éditeurs et bibliothèques pour soutenir la publication en libre accès au coeur même du Web. Nous ne pensons pas du tout que ces acteurs historiques de la communication scientifique et de la diffusion des savoirs doivent être balayés par Google ou bien restés cantonnés derrière les murailles stérilisantes des plateformes à accès restreint. Nous voulons leur permettre au contraire d’être bien présents et d’apporter toute leur compétence accumulée au coeur du nouvel environnement qui se développe à grande vitesse.
On le voit le modèle mise sur l’idée que notre valeur ajoutée soit la diffusion et pas l’exclusivité des contenus, mais celle des services. Voilà une piste intéressante non ?
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Article publié initialement sur Bibliobsession
Photo FlickR CC by-nd the pale side of insomnia
]]>Amoureux des mots, ayant édité sa première nouvelle en 1998, puis parolier pour des groupes, Paul enregistre chez lui plusieurs titres, puis se lance seul sur scène, il y a un an, enchaînant les petites salles parisiennes, seul à la guitare et au piano
Un soir, Christophe Hammarstrand (ingénieur du son) est dans le public et découvre alors cet univers contrasté. S’ensuit une conversation, et les deux garçons décident de collaborer. Christophe apportera sur scène sa basse, et cette sonorité électro que Paul entendait. Se joindront vite à eux Romain Renaud, (clavier, Glockenspiel, Ukulélé) et Xavier Girard (Batterie, Kaoss Pad). En décembre 2010, le groupe est formé.
Sur scène, certaines chansons baignent dans un brouillard électro-crado, d’autres étincellent de clarté pop. On oscille entre le jour et la nuit. Folk insolente, ballades lunaires, Pop sophistiquée… Paul Ecole emploie les styles comme un polyglotte emploie les langues.
Il alphabétise les souvenirs et les sensations, pour les fixer dans des chansons,
comme des parfums dans des flacons.
Très précoce… Tout petit, je me suis tapé Bach. (Ma mère écoutait sa musique de chambre en boucle).
C’était avec une vieille dame… (mon côté géronto?): Ma prof de piano qui m’a fait découvrir Debussy quand j’avais 11 ans.
Je suis assez fidèle, mais à plusieurs personnes. Il y a Paul McCartney (un incroyable mélodiste…). Souchon (son traitement des mots, le découpage de ses phrases, a été révolutionnaire pour la chanson française. Je trouve son phrasé de plus en plus proche du flow de certains rappeurs).
Les Beastie Boys (ce qu’ils ont apporté au Hip-Hop est vraiment intéressant. Avec le recul, je suis persuadé qu’Eminem ne ferait pas ce qu’il fait aujourd’hui s’il n’y avait pas eu les Beastie). Blur (Damon Albarn a ensuite crée Gorillaz, réunissant ainsi le rap, la pop, et l’électro). Les Beatles (l’album Revolver est LA perle pop du siècle…).
Plutôt chaines (mon côté SM…).
Le Safe quoi? Chaque artiste doit avoir une existence sur internet aujourd’hui. C’est un outil incontournable et nécessaire.
Non.
La chanson “Je Veux” de Zaz… En france, les gens adorent entendre ce qu’ils ont déjà entendu 1000 fois, ne pas prendre de risque. Mais là c’est outrageux. Elle chante très bien, mais les paroles de la chanson sont un bijou de démagogie. La grosse débandade…
Après un de mes concerts, j’aperçois un grand type classe avec un chapeau. C’était Keziah Jones! On parle un peu, il me propose de faire un boeuf…Je ressors ma guitare, et là devant tout le monde, je lui joue une de mes chansons. Puis je lui passe ma guitare, et là il commence à chanter. C’était incroyable. Sa voix emplissait toute la salle… Ma guitare n’avait jamais sonné si bien… Il me repasse ma guitare, et j’enchaîne une autre chanson, et ensuite de suite. On a fait tourner la guitare entre nous, et les gens étaient ravis (et moi aussi!). Une vidéo de cette rencontre doit exister sur internet.
Retrouvez Paul Ecole sur: Noomiz; myspace; facebook
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Crédit photo CC flickr: K
Crédit cover: Arnaud Richard
]]>Commençons par un peu de biologie : lorsqu’on lit, le lobe occipital est activé (le lobe temporal est activé lorsqu’on écoute de la musique ou qu’on entend quelqu’un lire). L’acte de lire n’est pas un acte inné (contrairement à ce que j’ai pu prétendre parfois) mais nécessite l’activation d’assez larges zones du cerveau qui, chez les analphabètes, ne restent pas en sommeil mais sont dédiées à d’autres fonctions (stimulations visuelles notamment). D’une certaine manière, et pour rester simple, disons que l’espace occupé par la lecture empiète ou rogne sur d’autres fonctions, en asservissant certaines ressources.
Ce premier combat mené pour la lecture ne se fait néanmoins pas au détriment pur et simple de ces autres fonctions puisqu’il a été démontré, par d’éminents chercheurs et encore tout récemment dans une étude datée de novembre 2010, que cet arrimage de la lecture dans ces zones les stimulaient et leur permettaient d’être plus performantes en intéractions médiatiques (lecture, audio, visuel…).
Passée la phase de décryptage, la lecture franchit une autre zone pour s’installer (et on en vient à votre problème) dans la zone de stockage des informations. Selon la doctrine, le stockage des informations lues peut s’organiser, chez les individus, selon deux modèles, et en fonction de l’organisation initiale des espaces cérébraux.
Dans un cas, les informations lues iront se loger dans un container dédié (ce qui n’est pas le plus courant) et qui sera rendu étanche par le cerveau par rapport à d’autres réceptions sensorielles. Dans un autre, qui est le cas le plus fréquent, la zone de stockage dédiée à la lecture sera partagée avec d’autres émotions et notamment avec d’autres types de plaisirs intellectuels que vous avez pu rencontrer (des films, des disques, des diapos de vacances…). La structure de la zone de stockage est donc non seulement plus limitée, organisée, comme chacun sait en couches de disponibilité, qui vont définir, dans leur organisation, leur partition, le SPECTRE MEMORIEL de l’individu, autrement dit sa capacité propre et individuelle à se nourrir de culture et à la digérer.
Si j’en reviens à votre cas, Marc, ce que vous prenez pour un état confusionnel (“je ne me souviens pas”, “je mélange”) ou un cas bénin de confusion mentale n’est probablement qu’une conséquence d’une structuration spécifique de votre cerveau. Il est à parier que vous avez développé convenablement votre réception occipitale (vous lisez beaucoup et ce depuis l’enfance – pour l’anecdote, le résultat aurait été biologiquement identique si vous aviez commencé à lire il y a 1 an ou 2) et que votre zone de stockage est une zone partagée. Votre rapport à l’écrit est tel que la conservation de vos lectures est immédiatement transformée non en container lettres mais en “cinèmes”, c’est-à-dire des clichés images signifiants contenant un visuel (un cryptogramme) et une émotion. Le texte disparaît, de même que les liaisons entre les émotions.
Au final, et pour le dire encore plus simplement, vous ne retenez d’un livre que ce qui vous intéresse ou intéresse votre esprit, alors que d’autres personnes auront une approche différente, soit qu’elles retiennent les données en tant que telles, soit qu’elles sélectionnent des séquences continues. Le méli-mélo que vous semblez considérer n’en est pas un mais répond à un ordonnancement particulier de vos émotions de lecture qui n’a rien à envier à un ordonnancement qui consisterait à tout retenir. Dans un de ses romans les plus intéressants, l’écrivain Alex Garland évoquait la situation d’un homme qui se souvenait de tout. Cela s’appelait le Tesser Act. Il s’inspirait d’ailleurs d’une affection réelle qu’on désigne dans le jargon comme une capacité de mémoire intégrale. Votre situation est une variation sélective et émotionnelle de cette affection qui n’a aucune portée clinique.
Si l’on sort du domaine strict de la médecine littéraire, on voit que vous avez raison d’avoir cette approche du livre. Les Français, comme les Européens épris de culture, ont souvent une approche trop respectueuse des livres et du souvenir qu’on doit en garder : ils vénèrent les citations, ils valorisent et survalorisent les lecteurs qui sont capables de se souvenir très précisément d’un ouvrage et d’épater la galerie en en parlant précisément, alors que le plaisir de lire commande lui que le cerveau soit égoïste, qu’on ne garde de ses lectures qu’une impression (plaisir, souffrance, ennui) fugace et sous forme de trace émotionnelle.
Comme on ne peut pas se souvenir de tout, il importe que la trace laissée par le livre soit une trace sensitive et non une trace rationnelle. Quel intérêt y aurait-il à connaître par cœur “Le Dormeur du Val” ou Le Rouge et le Noir, si on passait à côté de l’émotion que leur lecture a suscité ? Ne vaudrait-il mieux pas n’en avoir retenu aucun mot mais en avoir une idée suffisamment précise pour être capable de ressusciter en nous l’émotion de notre première lecture ? Sans nous emmener dans des débats proustiens, on voit bien ici que la science s’arrête (ou démarre) là où commence la poésie.
Exceptionnellement, et dans votre cas, je ne donnerai aucun conseil autre que celui-ci : CONTINUEZ A OUBLIER CE QUE VOUS LISEZ. Continuez à mélanger, à surimprimer, à confondre les époques, les héros, les intrigues, les meurtres, les poèmes. Continuez à avoir la tête en feu et le cerveau en coton. Il n’y a pas de mémoire des livres. Ceux-ci meurent dès qu’on les a terminés. Ils meurent sur chaque lecteur consommé et renaissent avec le suivant. Il n’y a pas de mémoire des livres, juste la mémoire du lecteur. C’est une des règles sacrées de la médecine littéraire : toujours considérer l’homme derrière la page.
Un problème insoluble vous torture les neurones ? Vous aussi posez votre question à notre Dr Littérature.
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Article initialement publié sur Fluctuat.
Crédits photos CC flickR MrdOeSe, El Bibliomata, Éole.
]]>Le fondateur du Media Lab réitère avec assurance. Et son affirmation (qui bousculera sûrement certains éditeurs) pose la question de son fondement. À partir de quel constat Nicholas Negroponte peut-il établir que le livre papier n’a plus d’avenir ? La réponse est simple : l’expérience OLPC. En effet, depuis 2007, la fondation créée par Nicholas Negroponte distribue le fameux ordinateur XO aux enfants des pays émergents. D’ici la fin de l’année, 3 millions d’exemplaires de ces appareils auront été distribués.
Sur chacune de ses machines sont préchargés une bonne centaine d’ouvrages, qui peuvent différer de machine en machine. Ces bibliothèques numériques peuvent communiquer entre elles, grâce à des fonctionnalités de partage. Les enfants peuvent aussi prendre des notes sur les ouvrages et les rendre accessibles à leurs camarades. Ainsi, un déploiement de XO va créer ex nihilo une bibliothèque numérique et ouverte que les enfants pourront facilement s’approprier.
Car l’enjeu est bien là : il faut faire lire. Chaque XO est attribué à un enfant qui pourra repartir chez lui avec l’appareil, déplaçant ainsi sa bibliothèque, la partageant à volonté. Face à de tels arguments, le livre papier n’a pas grand-chose pour lui. Généralement attaché à un lieu, la bibliothèque, l’enfant ne le possède pas et ne peut que l’emprunter. Ainsi, les externalités sont réduites, les chances de s’approprier le texte sont moindres. Les coûts d’installation et d’entretien d’une collection d’ouvrages papier sont aussi bien plus élevés que son pendant numérique.
D’après les conclusions d’un récent rapport sur l’utilisation du XO en Afghanistan, le coût de la mise en place et de l’entretien d’une bibliothèque pour seulement 3 ans équivaut à déployer des contenus interactifs (avec des mises à jour assurées) accessibles par un lectorat d’une même taille. Vendu 180$ et avec une durée de vie supérieure à 5 ans, le XO apparaît comme étant un support de lecture plus durable que le livre papier.
Parler de la fin du livre papier ne signifie pas la fin de la lecture. Bien au contraire ! L’accès au savoir et à l’écrit est facilité avec les outils numériques. Mais pourquoi ce type de message manque-t-il de relais en France ? La question du livre numérique est déjà suffisamment polémique, mais aussi, le monde de l’édition n’a pas pour habitude d’écouter des professeurs du MIT. Cependant, ce qui permet sûrement à Nicholas Negroponte de franchir le pas est son non-attachement à l’objet-livre. En effet, dans son ouvrage de référence, Being Digital, le scientifique nous offre la clef pour comprendre sa vision :
Being dyslexic, I don’t like to read. As a child I read train timetables instead of the classics, and delighted in making imaginary perfect connections from one obscure town in Europe to another. This fascination gave me an excellent grasp of European geography.
Étant dyslexique, je n’aime pas lire. Enfant, je lisais les horaires des trains à la place des classiques, et j’adorais imaginer les connexions parfaites liant une obscure ville d’Europe à une autre. Cette fascination m’a donnée une excellente connaissance de la géographie Européenne.
Ainsi, le livre n’est peut-être pas forcément le meilleur outil d’accès à l’information. Est-il plus efficace d’apprendre les distances entre les villes européennes dans un livre de géographie, ou à partir de tables de correspondances ? Clairement, l’âge de l’informatique et du numérique nous fait pencher vers la deuxième option : créer des contenus qui améliorent la compréhension et rendent l’information plus accessible.
Le livre est mort, la lecture renaît. Il est probable que la révolution numérique ne soit pas la plus massive en Occident. Il est même tout à fait envisageable que le succès de l’édition numérique ne vienne pas des pays développés, mais des pays émergents ! Là où les enfants auront accès à la lecture depuis un support numérique, dès leur plus jeune âge. Et si le livre numérique changeait l’ordre mondial ? Une incidence ultime, mais qui tient encore lieu de fiction.
Crédits photos cc FlickR : Troy Holden, robertogreco.
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Article initialement publié sur ebouquin.
]]>J’ai déjà abordé le sujet de l’infobésité (appelée également information overload) à plusieurs reprises sur ce blog, et récemment à travers l’article « Death by information overload ». J’expliquais en effet que cette situation de surabondance d’information était déjà présente avant même l’ère de Gutenberg.
Aujourd’hui je reviens à la charge en affirmant encore une fois que l’infobésité relève plutôt du non-sens puisque c’est une caractéristique intrinsèque de l’évolution de l’Homme et de son rapport à la connaissance. Récemment, le New York Times a publié un article invitant ses lecteurs à faire des pauses régulières dans l’utilisation des terminaux électroniques : iPad, smartphone, laptop… Selon le journal, le cerveau a besoin d’un temps de repos, (ah bon ! Je le savais pas !) et ce de manière régulière, pour éviter le burnout, et lui préserver toutes ses capacités de « calcul ».
At the University of Michigan, a study found that people learned significantly better after a walk in nature than after a walk in a dense urban environment, suggesting that processing a barrage of information leaves people fatigued. Even though people feel entertained, even relaxed, when they multitask while exercising, or pass a moment at the bus stop by catching a quick video clip, they might be taxing their brains, scientists say.
Cette utopie d’atteindre une situation d’équilibre entre « offre et demande » de l’information, fait le bonheur de plusieurs acteurs, à commencer par les éditeurs logiciels (search, veille, GED…) qui surfent sur la vague « la bonne information à la bonne personne au bon moment ».
Or, il faut savoir que déjà, à l’ère des livres, les mêmes problèmes se posaient aux utilisateurs et lecteurs : comment éviter les maux de tête et la fatigue pour trouver, lire et exploiter les bonnes ressources documentaires ? Robert Burton, dès 1621, soulevait ces problématiques de manière pertinente :
What a glut of books ! Who can read them ? As already, we shall have a vast Chaos and confusion of Books, we are oppressed with them, our eyes ache with reading, our fingers with turning. For my part I am one of the number–one of the many–I do not deny it…
Son ouvrage The Anatomy of Melancholy détaille dans tous les sens les symptômes et les difficultés de ce malaise général, de sur-information.
Cette thèse a été par ailleurs appuyée dans l’article Reading strategies for coping with information overload, ca.1550-1700, par Ann Blair. Cette production édifiante, démontre par exemple que les techniques du copier-coller sont déjà présentes à l’époque de l’imprimerie, et que les scientifiques et enseignants au 17e siècle, ont développé des techniques de lecture nouvelles basées sur l’index alphabétique, la prise de note, les abréviations pour éviter de « tout lire » puisque la capacité humaine de lecture était dépassée par le volume des productions.
Tout ça pour dire que aborder la problématique de gestion stratégique de l’information (et non gestion de l’information stratégique) par l’angle de la sur-information revient à tourner en rond, puisque le taux de production de contenus sera toujours plus élevé que le taux d’absorption humain et d’assimilation des données.
La même situation, une sorte de digression, se trouve sur le plan alimentaire entre les MacDo, et autres services de consommation, est-on pour autant « submergé » par la bouffe ? C’est plutôt la conscience du fait qu’on a une capacité limitée de consommation qui nous « oblige » à s’organiser pour éviter de tomber dans l’excès (sauf exception bien sûr).
De ce fait, et impérativement, de nouvelles formes de lectures vont se développer, avec de nouveaux supports, de nouveaux canaux et de nouvelles difficultés et limites. L’adaptation humaine ne fait que se poursuivre.
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Billet initialement publié sur Demain la veille
Crédits photo : Kees van Mansom
]]>Ce sont des foutaises de sale môme mal élevé, ou de toxicomane qui cherche la sensation suivante et gère son manque et sa tolérance. Si l’humanité était réduite à des satisfactions aussi basiques, sans pour autant qu’elles soient primales (l’objet du désir peut tout à fait être complexe, comme un coucher de soleil dans un cadre enchanteur, un sourire et un regard appuyé d’une personne chère, ou une jolie paire d’escarpins qui irait tellement bien avec le morceau de tissu italien ayant coûté un bras), alors nous ne serions pas bien différents de créatures, disons, plus sommaires. La finitude est bonne, elle est souhaitable. Manger alors qu’on a atteint un stade de satiété tout à fait correct, pourquoi pas si on satisfait une forme de gourmandise. Ou bien si l’on se gave pour des raisons sociales incontournables, par exemple si la grand-mère ne comprend pas que l’on ne reprenne pas une quatrième fois du plat qu’elle a préparé avec amour et demande insidieusement si on est malade ou si on n’a pas aimé. Boire un peu plus pour ressentir le effets de l’ébriété ou pour accompagner un toast, pourquoi pas. Faire des cochoncetés malgré une certaine fatigue physique parce que l’autre a encore de la réserve et qu’on veut lui faire plaisir, c’est tout à fait envisageable. Là encore tout est question d’équilibre. Hélas nous ne sommes pas dans une société qui prône la mesure. Le progrès se mesure en ratio, en pourcentages de progression (parts de marché, valeur des actions…), en rapidité accrue, en gain, en croissance, en taille plus compacte (miniaturisation dans l’électronique) ou au contraire en taille démesurée (pensons aux projets hôteliers à Dubaï). Davantage, c’est mieux. Moins, ça fait timoré, ça manque d’ambition, c’est presque suspect, c’est presque rétrograde. Dommage. S’arrêter a du bon. Un bon panneau stop pour ne plus faire un pas. Dire non à ce qui est superflu. Mesurer l’effort à produire pour l’étape d’après et juger que ce n’est pas nécessaire. Ni même satisfaisant. Couper les ponts de relations toxiques.
Dans un domaine où la croissance est exponentielle comme l’information, il faut bien trouver son propre point d’équilibre si on ne veut pas simplement disjoncter, le cerveau encombré de flux qu’il n’arrive plus à traiter dans le peu de temps qu’on lui accorde. Ou bien fixer arbitrairement une limite. Étant parti quelques jours dans une île, et ne tenant pas à engloutir le budget annuel de l’Angola en connexion 3G, j’ai fait le plein de livres et de magazines. Ne pas se connecter pour lire en ligne et lire sur des formats finis a changé quelque chose. Une part de stress s’est évaporée : pas de liens contextuels (quelques URL ici et là dans les magazines, bien sûr, mais pas tant que ça), par de « pour aller plus loin », pas d’articles en rapport. Une fois qu’on est arrivé au bout de son journal, on commande une autre boisson et on plie. Ou on relit un encadré, ou on revient sur une page que l’on a passée sans la lire. Mais on arrive au bout de quelque chose. Il n’y a pas d’après, et c’est appréciable.
C’est quelque peu difficile à expliquer car la sensation est diffuse dans sa puissance autant que répandue et enveloppante, mais il y a là le sentiment du travail accompli. C’est littéralement que l’on tourne la (dernière) page. L’acte n’est pas en suspens, ce n’est pas un flux temporairement retenu par un barrage jusqu’au prochain moment de connexion. C’est un acte isolé, complet, qui se suffit à lui seul, du moins dans l’espace-temps qui lui est alloué. C’est peut-être là-dessus que misent les concepteurs de magazines électroniques sur plateformes mobiles comme l’iPad. Le moindre site de média en ligne est une mine sans fond : le contenu accessible et les liens à explorer sont riches, mais peut-être trop pour celui qui a la tentation du clic. Alors que le magazine numérique, celui qui est vraiment multimédia et pas un simple PDF, embarque des contenus sonores, vidéo, des liens potentiels, mais apporte également la finitude. La fin, c’est ce qui permet de regarder en arrière. C’est ce qui donne tout le temps nécessaire au bilan, à l’analyse, à la satisfaction pleine et entière de ce qui a été accompli. Quitte à ce que la conclusion soit un recommencement ultérieur, sur d’autres bases ou à l’identique : il y a de petites fins, et des fins définitives. Savoir imposer une fin est un bon coupe-faim quand celle-ci devient gloutonne, immodérée et grotesque. D’ailleurs, il est temps d’achever ce billet. Fin. — Billet initialement publié chez [Enikao] Image CC Flickr caribb et postaletrice
]]>En réalité ceux qui comme moi ont réappris à lire sur un écran trouvent très difficile cet état de solitude et de laisser-aller au fil d’un récit. Notre mode de pensée a changé avec le web. D’une pensée linéaire, qui se laisse guider au fil d’une histoire dictée par un auteur, nous avons désormais pris l’habitude de bifurquer (certains dirons zapper), suivre notre propre chemin, guidés par les choix de certains hyperliens. Et donc simultanément nous avons perdu en capacité de concentration : nous ne restons plus fixé sur une ligne droite, nous naviguons, explorons, sautons d’un texte à un autre, d’une image à un film, à un son, de la lecture à l’écriture aussi. Nous avons en fait développé un des symptômes les plus répandus chez les hyperactifs.
On peut penser que cette modification de nos capacités cérébrales est négative pour notre intelligence. En l’occurrence parce que nous n’entrons plus dans les profondeurs d’un texte et donc n’en retenons que l’écume vagabonde et éphémère, nous perdons en culture et richesse intellectuelle ! Et bien c’est exact. Oui, nous avons appris à nous contenter de lectures partielles et synthétiques. Personnellement, la dernière fois que j’ai lu la totalité d’un livre, dans son exhaustivité je veux dire, en me laissant emporter par l’histoire où la pensée de l’auteur, cela date de l’époque où le web n’existait pas !!!
Est-ce une mauvaise chose ? Je ne le pense pas. J’y trouve un avantage de taille. Depuis l’avènement du Web jamais je n’ai été autant en contact avec l’information. Jamais je n’ai réussi à autant « ingurgiter » de données. Jamais je n’ai lu, regardé, écouté autant de contenus. Pendant ces séances d’absorption d’informations, j’ai le sentiment que quelque part, dans une zone particulière de mon cerveau, inconsciente ou préconsciente, toutes ces données, ces idées s’accumulent. Même si j’ai souvent l’impression de « rater » des bribes de textes ou de perdre le fil j’ai appris à ne pas m’en soucier. Les idées sont stockées et elles rejaillissent toutes seules sans que je n’ai à faire d’effort. Ca paraît magique et ça l’est presque. Cette accumulation d’information, cette sédimentation alimente mes associations d’idées et ma créativité. Comme pour l’hypnose cette méthode d’acquisition inconsciente, hyperactive, superficielle, me permet d’enrichir la partie créative de mon cerveau. Je ne lis plus de livre comme à l’époque du lycée et aujourd’hui je butine un peu partout sans mémoire consciente de cette activité quotidienne. Aujourd’hui ce que j’attends le plus de mes lectures est de me donner des idées, d’enrichir ma capacité à résoudre des problèmes et à trouver des solutions… Et j’y trouve mon compte !
PS : Tous les matins en allant au boulot je n’ai plus la possibilité de lire. Je suis en moto. J’ai donc fait l’acquisition d’un casque connecté à mon iPhone et j’écoute régulièrement des podcasts (à bas volume, pour des raisons de sécurité). Récemment, j’ai découvert Audible.fr un site filiale d’Amazon qui propose une large offre de bouquins à écouter (et ce billet n’est pas un publi redactionnel !). J’avale de cette manière presque deux bouquins par semaine. Toujours la même idée, j’accumule ces infos en mode multitâche, et elles n’atteignent pas le même niveau de conscience que si je lisais un livre dans le métro par exemple. Pourtant j’ai vraiment le sentiment que quelque chose passe et ressort quand j’en ai le plus besoin. À bon entendeur…
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Billet initialement publié chez Mikiane sous le titre Comment le Web a changé mon cerveau !
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Quand la question se pose d’analyser les comportements de lecture de la presse par les étudiants, on se retrouve souvent confronté à une série de lieux communs tendant à faire penser que la presse écrite souffre chez eux d’une totale désaffection. Un questionnaire adressé à des étudiants en communication âgés de 18 à 25 ans (Paris et province) tend à remettre en cause certaines idées reçues.
La presse traditionnelle, papier, souffre à leurs yeux de faiblesses structurelles. La montée en puissance de la presse magazine porte clairement atteinte à la PQN mais surtout à la PQR. Internet et l’avènement des gratuits mettent en général le coup de grâce à ces médias « old-fashion ».
Tout d’abord, il convient de remarquer que la vente par tiers ou la mise à disposition est légion dans nombre de grandes écoles. Les titres représentés sont majoritairement Le Monde, Les Echos et Le Figaro, compte non tenu d’un ou deux titres gratuits. Il est donc normal que ces trois titres soient parmi les plus lus.
Cependant, la presse régionale est majoritairement laissée de côté. Ouest France, La NR et l’ensemble des autres titres régionaux y compris Le Parisien sont en perte de lectorat et ne sont lus que par 10,4 % des sondés. Serait-elle trop vieillissante, trop peu adaptée à la cible en dépit de ses nouveaux formats, de son nouveau traitement de l’info ? En format papier, elle n’est que fort peu lue face à la presse quotidienne nationale qui l’est par 57,1 % des étudiants.
La presse magazine, parfois people, parfois professionnelle, parfois économique, se lit à proportion égale de la presse gratuite. Le traitement de l’information et la gratuité des 20 minutes, Métro, Direct Soir emporte l’adhésion de la cible parfois au faible pouvoir d’achat et voulant avoir accès à des « brèves » (pour ce qui concerne les gratuits) ; le temps de la réflexion en synthèse hebdomadaire se pose avec la presse magazine. Deux usages de lecture différents pour des appréhensions contextuelles convergentes.
Cependant, la donnée économique est contrebalancée par les magazines, plus chers certes mais plus denses en informations et au contexte de consommation très différent. Si les étudiants en communication la privilégient, c’est avant tout pour avoir accès aux news de leur secteur professionnel, ou se détendre, reconnaissent-ils, avec l’info « sans intérêt » de la presse people. La détente s’avère donc essentielle lorsque cette même cible sondée met en avant la presse féminine ou masculine en privilégiant les titres récemment apparus sur le marché (Grazia, Be, GQ) ou la presse people, s’accordant ainsi aux plus gros lectorats de la presse écrite (Public, Closer…).
Toutes les personnes sondées lisent au moins un titre par semaine. Tout n’est pas perdu ! En revanche, la fréquence de lecture pose beaucoup plus de question : 39 % des étudiants, 39 % seulement… lisent la presse tous les jours… manque de temps ? d’argent ? d’envie ? 51,9 % la lise 2 à 3 fois par semaine et 11,7 % occasionnellement. Il reste des clients à conquérir… mais peut-être faudra-t-il à la presse écrite s’adapter à ces cibles zappant d’un support à l’autre avec autant d’aisance que d’un JT à l’autre !
Dans le même ordre d’idée, le nombre de supports de presse lus varie peu : seuls 23,7 % des étudiants lisent plus de quatre journaux ou magazines quand 17,1 % n’en lisent qu’un par semaine. Ces chiffres pourraient révéler des réalités disparates : manque de diversité dans le traitement de l’actu ? manque de connaissance des positionnements sociaux ou politiques des journaux ? L’info serait-elle finalement plus consommée que lue ? La réponse tient aussi en ceci que, encore une fois, la vente par tiers dans les écoles, les universités, « orientent » les choix de titres lus. Il faut aussi envisager le fait que, pour les plus jeunes des sondés, le modèle de la presse traditionnelle reste peu valorisant, nous allons y venir.
On pourrait s’attendre à ce que seule la presse gratuite soit lue, mais la réalité est en fait tout autre. Fort heureusement pour la PQN. Les titres les plus lus (la question était ouverte pour ne pas orienter les choix) sont finalement en accord avec les tirages nationaux : Le Figaro, Le Monde pour les payants. 20 minutes et Métro pour la PG. Derrière ces « têtes de gondole » de l’information suivent Libération et Les Echos. Des titres au final assez généralistes. En revanche, la presse satirique ne semble guère trouver grâce aux yeux estudiantins : Le Canard enchaîné, Charlie Hebdo sont très peu cités. Quant à Siné Hebdo, qui disparaîtra des kiosques le 28 avril prochain, nul étudiant ne le cite. Aucun titre de PQR n’apparaît dans les 10 premiers choix des sondés.
La presse magazine est essentiellement représentée par les News : L’Express arrive en tête, suivi du Point et de Capital, Stratégies ou encore L’Expansion. Les magazines mode ou people sont évidemment très largement représentés sur un cible très consommatrice de loisirs.
Les comportements des étudiants sondés face à la presse en ligne sont également révélateurs d’un confort de lecture et de l’apparition des nouveaux supports dans leur espace d’information.
Les sites les plus consultés sont identiques aux supports traditionnels : ils savent quelle info ils vont y trouver. lemonde.fr et lefigaro.fr se disputent le nombre de pages vues bien que lemonde.fr domine largement (6 fois plus de connexions sur ce site que sur lefigaro.fr). Suivent en ordre : lequipe.fr, tempsreel.nouvelobs.com, 20minutes.fr, leparisien.fr (privilégié en ligne plutôt que sur papier).
En revanche, Rue 89 se place juste après lemonde.fr et juste avant…. Google Reader et Google Actu considérés par nombre d’étudiants comme un support d’information à part entière !
De fait, il apparait que cette cible sondée d’étudiants en communication associent leur sélection de médias à une time-line considérée comme un support d’information à part entière. Le web permet de se fabriquer son propre média. Le double suivi des sites d’information et de Google donne de l’info une potentielle double lecture : l’article en développé et le mode « brève » suffisant en consultation ponctuelle. Se faire son propre média semble pour 10 % des sondés une évolution majeure dans la consultation de l’actu on-line.
Cependant, sur Facebook, ces étudiants sont très peu adeptes de groupes de « fan » des supports de presse écrite ou on-line. Seuls 7,9 % d’entre-eux appartiennent à ces groupes revendiquant un suivi de tel ou tel titre. En dehors d’Owni cité par quelques étudiants, ce sont essentiellement des titres féminins (Grazia, Be) qui sont suivis. Les sites d’info (Le Figaro, Libé) sont très peu suivis. On tend à suivre sur FB les sites spécifiquement web : Owni, donc, ou minutebuzz … entre autres.
La presse papier et leurs déclinaisons web n’ont-ils pas encore réussi à séduire les 18 / 25 ans ? Il faut dire que le print pilote encore le web ! Pour ce qui concerne les étudiants interrogés, les titres identitaires sont très lus. CB news ou Stratégies, Capital ou Management emportent en général l’adhésion. Les titres affinitaires (mode, style, design, télé, etc.) le sont au moins autant voire plus, suivant les répondant. Un quart des étudiants ayant répondu à cette étude lisent tout autant la presse identitaire que l’affinitaire. La presse magazine confirme donc son embellie, d’autant plus avec le taux de reprise en main.
Depuis la fin des années 1960, les quotidiens régionaux français subissent une érosion progressive mais continue de leur lectorat. La « crise » subie par la PQR se manifeste aussi par un vieillissement et une grande difficulté de renouvellement des lecteurs. Si en 2006, 26,8% des 15-34 ans lisaient un quotidien régional, (Lecteurs numéro moyen 2006. TNS Sofres, EPIQ – Etude de la presse d’information quotidienne, Audience 2006), les chiffres semblent à la baisse sur cette catégorie d’étudiants, nous l’avons vu.
L’état de grâce de la presse régionale semble pour cette cible de jeunes lecteurs définitivement passée. Outre le fait que 20 % ne reprochent strictement rien à la presse écrite, le concert des voix concordantes se fait entendre sur nombre de points parfois curieux mais très révélateurs de ce que les chiffres précédents révélaient.
Il est reproché à la presse écrite d’être trop partiale. Le parti-pris lui est souvent opposé alors que serait préférée l’impartialité. Cependant, les titres les plus lus, Le Monde et Le Figaro sont très clairement politisés. Cela tend à montrer que les étudiants souhaitent un traitement écrit de l’info différent de l’info vue à la télé, voire un traitement complémentaire. Cette complémentarité des supports paraît de plus en plus concrète.
Les articles sont parfois trop longs, évoquent-ils aussi, ce qui est confirmé par le fait que, parmi eux, 10 % se fabriquent leur média avec Google Reader où le format « brève » leur convient et l’accès à une info multi-canal leur permet, au final, de se faire leur point de vue. Pour aller dans le même sens, les étudiants interrogés trouvent la presse écrite ennuyeuse, manquant d’interaction (logique !), et surtout… on trouve cette presse trop formatée !
Parmi les autres reproches, le coût de la presse écrite est très majoritairement évoqué. L’augmentation constante du prix du papier contribue aussi à faire perdre des lecteurs à cette presse traditionnelle au profit de la lecture de l’info sur écran. Et enfin, reproche fréquent dans l’ensemble de la population mais cette fois mis en exergue par des étudiants en communication : la presse écrite contient trop de pub !
On sait cette génération hyper-connectée, cependant, cette hyper-connexion doit être relativisée. La consommation d’info sur papier reste très usuelle pour les magazines et les gratuits et grâce aux vente par tiers.
Tout d’abord, première évidence, la presse on-line est gratuite, essentiellement, en dehors des archives, et facile d’accès notamment via les applications I-Phone, ce qui emporte largement l’adhésion auprès de la cible du sondage. Mais ce qui trouve grâce à leurs yeux tient à l’actualisation en temps réel de l’actualité et au support vidéo.
La culture de l’image ne se dénie donc pas. Elle devient un support d’information essentiel. Dans la mesure où la lecture de l’image est pertinente… La possibilité d’interagir avec les autres internautes est aussi un point majeur relevé ; l’avis citoyen doit être donné, visiblement. D’autres privilégient le fait de rester en contact constant avec l’actu en axant la consultation des flux d’infos sur leur mobile : alertes SMS, applications I-Phone ou lecture des newsletters favorisent l’accès à l’info de n’importe où. Il leur faut donc une actu réactive, actualisée et non pas simplement une info.
Une génération hyper-connectée ne se contente pas de lire le journal. Elle veut que l’actualité vive, parfois aux dépens du temps d’analyse que peut se permettre la presse écrite ou les dossiers on-line… Mais cette actualisation en temps réel de la société dans laquelle ils vivent montre un réel intérêt pour la res-publica au sens noble de la chose. La chose publique ne les désintéresse pas, bien loin s’en faut. Contrairement à ce que les idées reçues pouvaient, dans le bon (mauvais ?) sens populaire, parfois laisser entendre.
Enfin, les consciences citoyennes ne sont pas oubliées… Nombre d’étudiants reconnaissent que la dématérialisation est essentielle, tout comme l’aspect écologique de cette presse on-line. Loin d’être anecdotique, cette dominante verte semble prendre un poids de plus en plus important dans leurs choix de consommation de l’info. La période des abonnements à plusieurs titres papier semble de plus en plus révolue. La presse on-line a également ceci d’avantageux qu’elle suppose la suppression des transports, qu’elle ne soulève plus la question du traitement des déchets, qu’elle permet des économies d’eau et d’énergie, etc.
Si la consommation de presse écrite est loin d’être démentie, ces chiffres sont donc à relativiser en fonction des vente par tiers dans les écoles mettant à dispositions des étudiants des titres « chers » qui peut-être ne seraient pas consommés sans cela. De plus, il est constaté que la cible tend à se fabriquer sa propre ligne d’actualité, son propre média en zappant d’une newsletter à l’autre, d’un flux RSS à l’autre ou via Google Reader, ce qui tend à montrer, une fois encore que le modèle économique de la presse on-line n’est pas encore trouvé, que la monétisation de l’info n’est pas encore gagné si l’on veut que les plus jeunes lecteurs ne s’excluent pas de la presse.
De plus, la nature du contrat de lecture semble elle aussi évoluer. Il ne se construit plus entre le lecteur et son journal en tant que support physique. La tradition n’est plus. Le journal doit en revanche trouver les moyens de fidéliser son lecteur, tant en terme d’émission que de réception de l’info, des commentaires. Chacun des internautes doit pouvoir se projeter dans son information, celle qu’il s’est fabriquée. L’information devient communautaire puisqu’elle se consulte et se diffuse dans les réseaux via Facebook ou Twitter. L’information, la presse, se doit de devenir un mélange d’info, d’événements, d’imprévisible et de prévisible. Dans la time-line informationnelle que se fabriquent nombre d’étudiants, le choix des RSS se portent assez naturellement vers ce avec quoi ils sont en affinité. Ce qui délimite là encore le champ de consultation naturelle de l’information. Ce qui cadre aussi avec leur recherche d’objectivité « subjective ». Plus d’objectivité dans le traitement de l’info leur ouvrirait probablement davantage de titres. Le contrat de lecture tient donc en ceci qu’on se fabrique le média qui doit nous surprendre en nous confortant.
Cependant, les nouveaux médias, Owni, Rue89, entre autres, semblent toujours plus tirer leur épingle du jeu en proposant un nouveau traitement de l’info, plus en accord avec la volonté de ces cibles cherchant une info précise, ciblée, actualisée et commentée, réactive.
Enfin, ces cibles étudiantes sont à la recherche d’une info rich-média. La mise en récit d’une info qui s’oriente vers le story-telling trouve grâce à leurs yeux, tout comme la mise en récit de l’image. La narration de l’information leur convient plus que la simple factualisation ou la description explicative.
Cela implique que texte, images (illustrative ou démonstrative), vidéo et contenus sonores soient envisagés globalement. Les registres classiques image et texte n’ont plus voix au chapitre sous leur forme traditionnelle. On focalise l’attention sur un détail, sur différents niveaux de lecture(s) interagissant, on personnalise toujours plus l’information. Elle devient donc de plus en plus émotionnelle et interactive. L’empathie entre le média et le lecteur doit être visible, et l’expérience doit être durable entre le lecteur et le support lu ou consulté.
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> Article initialement publié sur Com’Des Mots
> (Sondage on-line réalisé du 19 au 30 mars 2010 sur 150 étudiants en école de communication, de 18 à 25 ans, Paris et Province.)
> Illustrations: Flickr CC : Ol.v!er [H2vPk], HapH , somebaudy& Screenshots : lemonde.fr, rue89 (12 avril 2010)
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