Parti Pirate : “L’invention d’une culture politique”

Le 16 mai 2012

Comme les Verts à leurs débuts, le Parti Pirate crée une nouvelle culture politique, celle de l'ère Internet. Pierre Mounier, candidat dans le 20ème, suppléé par le journaliste David Dufresne, revient sur son expérience de "candidat citoyen", vingt ans après son premier engagement chez les écologistes.

Pierre Mounier à la rédaction d'Owni pendant son interview, Paris, Mai 2012

En juin, le Parti Pirate français, lancé en 2009, va vivre son premier vrai test électoral en présentant au moins une centaine de candidats aux législatives1 La jeune formation, comme ses alter ego des autres pays, décline la ligne de leur grand frère à tous, le PiratPartiet suédois, créé en 2006 : légalisation du partage en ligne, défense des libertés numériques, transparence de la politique, etc. Un programme qui commence à séduire comme en témoigne la présence de deux députés suédois au Parlement européen et leur entrée dans quatre parlements régionaux en Allemagne.

Le Parti Pirate a une image de rassemblement de jeunes geeks sympathiques et inexpérimentés. Pierre Mounier, qui se présente aux élections législatives dans le 20ème arrondissement de Paris (15ème circonscription), étonne : la quarantaine, professeur de lettres classiques, mais aussi fin connaisseur du numérique, puisqu’il est un fervent partisan des digital humanities, les humanités numériques, et tient un blog intitulé Homo numericus, un parfait résumé de son double profil. Comprendre le latin et le code, un cocktail rare. Son engagement auprès des Verts il y a une vingtaine d’année lui donne aussi du recul pour analyser le fonctionnement de sa nouvelle formation.

Il a pour suppléant un profil tout aussi atypique : David Dufresne, bien connu des lecteurs d’Owni, a créé en 1995 La Rafale, l’un des tous premiers webzines français, participé au mini-Rezo, “dinosaure” du web français des années 1990 ; il a co-écrit son Manifeste du web indépendant. Le texte défendait l’idée qu’Internet était le lieu où une information libre, indépendante, participative et pluraliste pouvait – devait – s’épanouir, face à la poussée consumériste.

Il a aussi trainé ses carnets de journaliste d’investigation dans plusieurs “prestigieuses” rédactions avant de partir en freelance pour explorer de nouveaux formats de journalisme sur Internet.

Ensemble, Pierre Mounier et David Dufresne ont décidé de “hacker les élections”, comme ce dernier s’en explique sur son blog :

De la politique, certes. Mais piratée, hackée, hâchée menue.
Ensemble, on écrivit ce petit bout de programme pour notre affiche :

Révolution numérique, mais appareils politiques restés à quai.
Nouveaux usages, mais contrôles d’un autre âge.
Cultures libres, mais marchands aux aguets.
Les nouvelles technologies changent le monde, et elles le font maintenant. Une possibilité s’offre désormais à nous tous: reprendre le contrôle de notre vie publique, ou laisser le Vieux Monde diriger toujours et contrôler encore.
Moussaillons ou vieux loups de mer, déçus de la politique ou utopistes, montez à bord.

La suite ici même. Très vite.
Code is poetic.

Derrière les élans lyriques, Pierre Mounier s’avance avec un discours bien construit, conscient des forces et des faiblesses du Parti Pirate français. Entretien.

Pour quelles raisons vous présentez-vous ?

Les motivations sont de deux ordres. D’une part, j’ai le sentiment que les questions liées au numérique, que ce soit la reconnaissance des nouvelles pratiques de partage culturel ou la défense des libertés numériques ne sont pas bien portées par les partis traditionnels. Les récentes déclarations (lien) de celui qui est devenu président de la République confirment ce sentiment. Il y a du travail, ce n’est pas parce qu’il y a un changement de majorité que tout va être réglé, loin de là.

Deuxième point, qui est tout aussi important, c’est l’impression que le jeu politique traditionnel représente de moins en moins bien les intérêts des citoyens, leurs aspirations et leurs besoins dans leur diversité. La solution ne réside ni dans l’abstention, c’est-à-dire de se dégager complètement, ni dans le vote protestataire, on est plutôt dans un surcroît d’engagement.

Si nous citoyens nous ne nous sentons plus représentés par le système politique actuel, ce n’est pas la faute des hommes politiques, “tous pourris” comme on dit, mais de la responsabilité des citoyens qui se sont dégagés progressivement de cette participation. La seule solution, c’est de participer : voice ou exit. Donc voice. C’est prendre les moyens, avec nos petits moyens, de retourner dans le jeu pour reprendre collectivement le contrôle de la vie publique.

Une des solutions, c’est de présenter des candidats citoyens qui ne sont pas des professionnels de la politique et qui ne le deviendront pas, quel que soit le résultat.

Bien sûr si quelqu’un est élu député, il s’engagera à fond pendant cinq ans, voire dix ans. Mais ça ne doit pas devenir le parcours d’une vie. Dans certains pays, comme en Allemagne ou en Scandinavie, il est normal d’alterner vie professionnelle et engagement public à un niveau local, national, on a même vu des ministres qui ensuite passent à autre chose quand ils ont fait leur temps.
Pour moi l’exemple, c’est Cincinnatus. C’est un modèle politique de la vieille république romaine, il cultive son jardin dans sa propriété pour améliorer la situation de sa famille. À un moment, la république est en danger et on vient le chercher parce qu’on a besoin de l’investissement d’un certain nombre de citoyens. Tite-Live raconte qu’on vient le trouver alors qu’il laboure, il laisse sa charrue au milieu de son champs pour aider la République puis il revient.
Nous ne sommes pas dans le cas d’une République en danger mais c’est important d’avoir cette possibilité.

On fait souvent le parallèle entre les Verts à leurs débuts et le Parti Pirate, vous le trouvez juste ?

Oui, car ils étaient alors peu structurés, très basiques et démocratiques. Il y avait cette possibilité lorsqu’on était simple militant de pouvoir peser sur le débat, d’avoir voix au chapitre. Avec un copain, j’étais engagé depuis un an, lors d’une AG locale à Paris, du temps où Waechter était à sa tête, nous proposons une motion intitulée “à gauche”. Tous seuls, sans appui, nous la présentons et elle passe. C’était la première fois qu’une motion en rupture avec la ligne “ni droite ni gauche” était adoptée. C’est très satisfaisant, cela donne foi dans le système politique de savoir que ce que l’on défend a une chance d’être pris en compte.

Pensez-vous que ce qui a manqué aux Verts, c’est l’Internet, qui facilite la mise en place d’une démocrative participative, comme on le voit avec LiquidFeedback2par exemple ?
Le tournant des pirates allemands

Le tournant des pirates allemands

Ce dimanche, le Parti Pirate allemand est entré une quatrième fois dans un parlement régional. La petite formation ...

C’est un élément, mais je ne pense pas que ce soit le seul. Il y a toujours eu deux traditions chez les Verts, assez opposées. L’une libertaire, un peu anarchiste, prônant le partage du pouvoir, c’est “faire de la politique autrement” pour reprendre le slogan de l’époque.

L’autre tradition est liée à la thématique principale sur laquelle est les Verts, l’écologie. L’écologie politique est très liée à l’écologie scientifique, du coup il y a pas mal de scientifiques. Cette tradition que je vais appeler un peu scientiste, consiste à dire “il y a une crise écologique, il y a une vérité scientifique sur cette crise écologique, qui implique que l’on va prendre telles mesures”, et on peut pas discuter. Il existe donc une tradition autoritaire chez les Verts, en conflit avec la tradition libertaire. Et il me semble qu’à un moment, il y a eu un basculement.

De nouvelles traditions politiques sont aussi entrées chez les Verts à l’occasion du changement de majorité, en particulier lorsque Dominique Voynet a pris le pouvoir.

Les technologies toutes seules ne font rien, ce n’est pas parce qu’on a Internet que cela change fondamentalement le mode d’organisation d’un parti politique et qu’il est démocratique dans son fonctionnement interne, la culture politique des gens compte aussi.

Est-ce que le schéma que vous décrivez se reproduit au Parti Pirate, quelle est la culture politique des membres ? Est-ce qu’il y en a une ? Ou est-elle en perpétuelle invention ?

On est plutôt dans une phase d’invention d’une culture politique. La plupart des militants et des responsables sont très jeunes, la vingtaine. Je trouve cela très bien, ce ne sont pas des militants qui ont ce passé, parfois passif, de traditions politiques antérieures au Parti Pirate.

Ils sont frais mais cela ne signifie pas qu’ils sont dénués de culture politique.

Cette génération construit son expérience et sa culture politique à partir d’expériences fondatrices : la loi Dadvsi (loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information) et la loi Hadopi.

Il y a eu le sentiment d’un déni de démocratie et quand je discute avec ces militants, on observe un phénomène de prise de conscience, ils se disent : comment peut-on faire ? Ils essayent  d’inventer des choses, avec Internet, pour le coup, comme par exemple la plate-forme démocratie liquide s’inspirant de l’expérience allemande.
Alors évidemment, c’est bricolé, il y a beaucoup d’aspects négatifs, mais le fond est bon et la direction dans laquelle ils se dirigent est très intéressante.

Quels sont les aspects négatifs ?

C’est bordélique, ça part dans tous les sens, les gens s’engueulent en permanence, les forums, c’est terrible.

Comment parvenir à ce point d’équilibre : rester frais tout en gagnant en maturité ?

Je ne sais pas si c’est un point d’équilibre, c’est plutôt un processus, et ce que je dois reconnaître, c’est que les responsables actuels, Maxime Rouquet et Baptiste Marcel, font un travail remarquables, . Le conseil administratif et politique (CAP), qui est un peu l’exécutif, fait un important travail de cadrage, tout en gardant un mode de fonctionnement ouvert et démocratique.

C’est là que la mobilisation des outils technologiques est importante. Par exemple, le programme a été voté en assemblée générale. Il est composé de deux parties, une innovation que je trouve intéressante : une partie obligatoire et une partie de mesures dites compatibles que les candidats choisissent de porter ou pas. Voilà un processus à la fois cadré et ouvert, un bon exemple de ce point d’équilibre.

L’exécutif se réunit tous les mardis soirs sur un serveur vocal qui s’appelle Mumble, ouvert à tous les adhérents. Ils peuvent assister aux discussions, y participer. Le compte-rendu est publié le mercredi. C’est un mode de fonctionnement transparent. Tout n’est pas parfait mais il y a une invention politique dans le détail et le fond.

Pierre Mounier à la rédaction d'Owni pendant son interview, Paris, Mai 2012

Vous avez envie de faire partie de cette instance ?

Il y a une deuxième instance, le conseil national, qui est une sorte de parlement, dont je suis membre. Il fonctionne sur un mode moins réactif et actif au jour le jour que le CAP, ce qui est normal, c’est un exécutif. Nous faisons deux réunions par mois sur Mumble, c’est moins impliquant et cela me convient pour l’instant.

Dans la plupart des partis politiques, et j’en ai fait l’expérience chez les Verts, c’est tout ou rien. Soit tu es bouffé par l’engagement et tu ne vois même plus ta famille, tu deviens un professionnel, ou tu sautes. Sinon, tu es réduit au rôle d’agitateur de drapeaux dans les meetings ou de colleur d’affiches.

Il me semble très important pour un parti de nouvelle génération, de l’ère Internet, d’offrir la possibilité de cette progressivité d’implication.

Vous communiquez beaucoup à l’international, pour vous inspirer ?

On regarde pas mal ce que font les Allemands. L’implémentation de la plate-forme LiquidFeedback vient d’eux, on a repris des logiciels.

Comment allez-vous faire campagne concrètement, alors que vous partez sur le principe d’une campagne zéro coût3 ?

Le principe est de dire que, puisque nous présentons des candidats citoyens non professionnels, il faut les aider à faire campagne en fonction de leurs moyens, avec des kits.

C’est là qu’il y a un paradoxe : le système de financement public des campagnes électorale et donc de la vie publique, qui est censé établir une forme d’égalité entre les partis, du fait de sa complexité, accroit le ticket d’entrée. Il y a des systèmes de contrôle assez sévères et en particulier à partir du moment où le compte de campagne enregistre un euros de dépense ou de don, tu es obligé d’avoir un expert-comptable, c’est 300 euros minimum.

Le compte de campagne concerne l’organisation – les meetings, le tractage, les affiches -. Mais une grosse partie des dépenses touche la campagne officielle : l’impression des bulletins, des circulaires et des affiches officielles. J’ai 77 000 électeurs inscrits dans ma circonscription, les frais s’élèvent en moyenne à 3 000 euros, c’est plus qu’un mois de salaire, et le Parti Pirate ne peut pas les sortir. D’où notre appel à dons.

Le Parti Pirate a proposé de faire les impressions en fonction de nos moyens, ce ne sera pas 100% des votants, mais 10 ou 20%. Concernant les circulaires, comme c’est envoyé par la Poste, c’est difficile de n’en imprimer qu’une partie.
Du coup, j’étais parti sur une campagne double zéro, 0 sur le compte de campagne, 0 dépenses officielles ou très très peu, juste pour imprimer une partie des bulletins. On fait donc tout sur Internet : les gens peuvent imprimer la circulaire et le bulletin de vote. C’est sympa mais ça plombe la campagne.

Vous allez faire les marchés ?

Non. Je pense que ça ne sert à rien. Je trouve que contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, les espaces publics en France sont totalement dévitalisés. Ce qu’on voit sur les marchés c’est glauque. Les gens sont en train de faire leurs courses et le candidat leur vend une salade de plus. Il n’y a pas de véritable échange ou de véritable débat.

Ce sur quoi je travaille, c’est sur l’organisation de débats publics. Pas sur les marchés, mais des débats publics où viennent ceux qui sont intéressés, sur différents points du parti pirate. De telle manière qu’il puisse y avoir cette discussion. Je l’explique d’ailleurs dans ma profession de foi. Je ne vais pas chercher à vendre ma salade aux électeurs.

Ce qui m’intéresse, c’est comment est-ce qu’ensemble on va pouvoir discuter, et commencer à construire des processus de discussion et donc de concertation, pour prendre ensemble des décisions publiques. C’est là que la plateforme démocratie liquide entre en ligne de compte. Ce sur quoi j’aimerais m’engager vis à vis des électeurs, c’est à ce qu’il y ait des processus de consultation permanents sur les sujets discutés à l’Assemblée. Je suis conscient que cela irait à l’encontre de l’esprit des institutions.

Le mandat de député n’est pas un mandat impératif. Le député, lorsqu’il est élu, il fait ce qu’il veut et n’est pas tenu d’appliquer le programme sur lequel il a été élu. Il n’est pas responsable devant ses électeurs mais devant la nation. Ce que je veux faire, et proposer, c’est de hacker ce truc là. De le pirater. Et de dire que l’esprit des institutions, cela ne marche plus.

Ce que je veux faire, c’est me transformer en député responsable justement devant ses électeurs. Et qui avant de prendre part à un vote important à l’Assemblée nationale, revient devant ses électeurs, organise des débats publics et, pourquoi pas, organise une consultation sur une plateforme de démocratie liquide. Et se sent tenu par ce qui a été voté par les électeurs de sa circonscription. C’est totalement anticonstitutionnel. Pas au sens juridique mais au sens de l’esprit de la loi. Mais cela me semble être un bon moyen pour articuler démocratie représentative et démocratie directe. Aujourd’hui, on a une opposition forte entre un système représentatif qui n’est ni direct ni participatif, et des gens qui font des expérimentations de démocratie directe mais qui à mon avis sont insuffisantes. Il me semble que l’un et l’autre doivent être articulés.

Vous avez discuté avec les formations politiques traditionnelles ?

Pas vraiment. Ma candidature est toute nouvelle, et les autres candidats n’ont pas lancé leur campagne. Mais la candidate verte va lancer sa campagne par une réunion publique, et j’irai sans doute discuter avec elle.

On parle beaucoup des difficultés du PP à s’imposer par rapport à ses homologues allemands. Les raisons avancées ont souvent trait au système électoral. Mais il va bien y avoir un moment où le PP français devra sortir de ces histoires de campagne à 0 euros, pour au moins recevoir des dons. C’est difficile de se propulser dans l’espace public sans trésor de guerre, non ?

En France, c’est la première élection où il y a une volonté de présenter des candidats à une élection générale. Là, c’est le premier coup, donc on fait avec ce qu’on a. L’étape suivante, c’est les européennes de 2014. Et ça va être très intéressant, parce qu’il y a l’idée d’une plateforme européenne des différents partis pirate qui a été formulée à Prague. Par ailleurs, c’est un scrutin de liste et proportionnel, il y aura des choses à faire. Et on a plus d’un an pour s’y préparer. L’objectif est bien de se structurer et d’avoir plus de moyen.

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Soyons optimistes, et imaginons que le PP parvienne à avoir plus d’envergure dans la vie politique française : il ne devra pas pour autant oublier ses origines. Ne pas oublier qu’il a pour objectif de réformer le système politique actuel, pour continuer de permettre des candidatures citoyennes. S’il l’oublie, il devient comme les Verts.

On dit toujours que l’Allemagne est avantagée parce qu’il n’y a pas cette fameuse barrière des 5%, mais de fait il y a eu un saut qualitatif important en Allemagne. Les pirates sont passés de pas grand chose à une présence dans quatre parlements. Ils ont quelque chose en plus où c’est le climat et le contexte politique qui est vraiment différent ?

Il y a plein de paramètres très différents. L’exemple allemand est intéressant, mais à mon avis on peut pas en faire grand chose ici. Premier paramètre : la culture technologique est bien plus élevée dans la population allemande qu’en France. Le Chaos Computer Club, c’est quand même quelque chose en Allemagne. Ce qu’on appelle en France, “les geeks”, ou plus simplement ceux qui s’investissent sur les thématiques numériques, sont moins nombreux en France qu’en Allemagne. Deuxième paramètre : les allemands ont une tradition démocratique bien plus vivace qu’en France. Il y a un attachement à la vie démocratique qui est bien plus fort que ce qu’on peut trouver en France. Du coup les partis comme le PP montent beaucoup plus vite à mon avis.

C’est une question de culture politique. Il y a sans doute des éléments conjoncturels qui m’échappent, et qui sont liés à la vie politique allemande, comme l’effondrement du parti libéral.

Revenons aux Verts. Cela fait 35 ans qu’ils sont dans le paysage politique. Et ils en sont où ? On peut leur faire pas mal de reproches, mais ils sont victimes d’un paysage politique complètement verrouillé.

Avez-vous un objectif pour cette élection ?

L’objectif pour moi, c’est 5%, ce qui entraîne le remboursement des frais. Je ne suis pas du tout sûr de l’atteindre, mais ça signifierait quelque chose. La composition sociologique du quartier est plutôt favorable. Il est très à gauche, mais au-delà de ça, il est composé pour une grande partie de milieux très populaires, et pour l’autre d’individus travaillant dans les secteurs culturels. Par ailleurs, c’est un quartier dont la population est jeune. On peut espérer qu’elle soit plus sensible aux thèmes portés par le PP.

Imaginons : vous êtes élu député. Quelles sont vos trois priorités ?

Ce sont les points du programme du Parti Pirate, tout simplement. La légalisation du partage non marchand et la réduction du fichage informatique, comme la suppression de la dimension biométrique des papiers d’identité.  Le troisième point n’est pas dans le programme, mais j’aimerais pousser à l’application du référendum d’initiative populaire. D’ailleurs, c’est ce que veut faire le parti socialiste. Et ça me semble très important, parce que c’est aussi un moyen de revitaliser la vie politique et la participation.

En revanche, comme je l’ai dit, je ne le ferai pas sans une consultation du corps électoral, avec débats et discussions.

Comment fait-on pour continuer de hacker sans se faire récupérer, ou rentrer dans le système, comme les Verts ?

Je pense que cela peut être endigué par la mise en place de mécanismes. Des mécanismes de partage du pouvoir par exemple. Là je n’invente pas grand chose, parce que je ne fais que redire ce que disait les Verts il y a vingt ans :

“Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument.”

Le pouvoir ne doit pas être concentré entre les mains d’un seul homme, les directions doivent être collectives et les systèmes de contre-pouvoir efficaces. Ce sont les mécanismes d’ensemble. Après, ça se joue dans les détails. Chez les Verts, il y a vingt ans, il y avait une règle simple : lors d’une réunion, ou d’une assemblée générale, il y a une heure de début et une heure de fin, et on ne dépasse pas. Ça paraît stupide, mais ça sert à ce que les gens qui ont une vie de famille ou des impératifs puissent participer. Parce que sinon, c’est à une heure du matin que le truc vraiment important est voté, et il ne reste que les durs de durs. Avec ce genre de règles simples, on limite déjà les risques de professionnalisation des personnes investies. Après, il faut sans doute des professionnels, mais il faut organiser ces différents niveaux d’investissement.

Je pense qu’un homme politique traditionnel est nécessairement professionnalisé, parce qu’il doit intégrer, intérioriser toute une masse de compétences, de connaissances, d’investissement, de techniques, de stratégies. Lorsqu’on travaille avec Internet, on peut se reposer sur des réseaux et partager beaucoup plus l’information, la faire circuler, la mobiliser. C’est amusant ces moments de campagne : on voit les hommes politiques tout seuls devant leurs micros et ils doivent répondre à toutes les questions sur tous les sujets. Il y a cette espèce de tension qui fait que l’homme politique est censé tout savoir sur tout, tout seul. Ce que j’aimerais, c’est voir un homme politique arriver avec un ordi. Et dire :

attendez deux minutes, vous me posez une question, je n’ai pas le chiffre en tête, je vais vérifier, ou mobiliser quelqu’un pour répondre. Je fais partie d’un réseau et c’est le réseau qui vous répond. Je ne suis que le point de mobilisation de ce savoir.


Photographies à l’iphone et instagramées par Ophelia Noor pour Owni /-)

  1. On ne considère pas que l’élection législative partielle à laquelle il a pris part constitue son baptême politique. []
  2. outil mis en place par le Parti Pirate allemand, qui permet de participer directement au choix des propositions qui seront soutenues par les élus : il est possible de faire des propositions, de les amender et de les soutenir. []
  3. les dépenses de campagnes sont de deux ordres : la campagne officielle – bulletins de vote, circulaires (professions de foi) et affiches officielles -, dite aussi propagande, est payée par le candidat. Les autres dépenses sont payées par un mandataire officiel via un compte de campagne. []

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