MegaUpload MegaPerdus

Le 3 février 2012

Les gérants de MegaUpload laissent derrière eux un monde d'Internautes esseulés. D'abord malheureux, certains d'entre eux ressentent maintenant une grosse colère. Et organisent une fronde pour récupérer leurs fichiers. Cibles de leurs démarches : les hébergeurs, qui ont décidé de reporter leur suppression des fichiers stockés de deux semaines. Sans trop d'espoir.

Pour la justice américaine, tous les fichiers contenus sur MegaUpload devaient être supprimés ce 2 février. Les enquêteurs ayant copié les documents nécessaires à la procédure, “les sociétés d’hébergement [peuvent] commencer à supprimer le contenu présent sur les serveurs. Cependant, des centaines d’utilisateurs avaient également stocké sur la plate-forme des fichiers légaux. L’avocat de la défense, Ira Rothken, a aussi demandé un report de la date de suppression. Et grappillé deux semaines supplémentaires.

Des serveurs en sursis

Depuis le 20 janvier, les entreprises Carpathia Hosting, Cogent Communication et Leaseweb sont sous le feu des projecteurs. Ces hébergeurs du contenu de MegaUpload reçoivent les demandes des anciens utilisateurs. Chez Carpathia, la requête reçoit mécaniquement la même réponse :

Carpathia Hosting n’a pas et n’a jamais eu accès aux contenus sur les serveurs de MegaUpload et ne peut restituer aucun contenu se trouvant sur serveurs aux clients de MegaUpload (…) Nous recommandons à quiconque croit posséder du contenu sur MegaUpload de contacter MegaUpload.

Malgré son impuissance revendiquée, la société envisage des solutions. Elle s’est récemment associée à l’Electronic frontier fondation (EFF), une organisation non gouvernementale de défense des libertés sur Internet.

Carpathia a même lancé un site web, www.megaretrieval.com, afin de réunir les témoignages des “victimes”. Son objet : “passer en revue toutes les situations partagées entre utilisateurs et, si possible, essayer de résoudre leurs problèmes”. L’EFF, elle, nous indique qu’elle souhaite “rassembler pour l’instant des informations sur les clients innocents de MegaUpload ayant perdu leurs contenus.” Aucune piste n’est privilégiée pour organiser leur récupération : “Il s’agit de mesurer l’ampleur du problème”. Brian Winter, directeur général de Carpathia Hosting, profite de cette tribune pour rassurer les utilisateurs :

Il n’y aura aucune perte de données imminente pour les clients de MegaUpload. Si la situation change, nous publierons un avis au moins sept jours à l’avance, sur notre site www.carpathia.com

Selon le rapport de mise en accusation de la justice américaine mis en ligne dans les premières heures de l’affaire, Carpathia louait plus de 25 peta-octets (soit 25 millions de giga-octets) de capacité de stockage à MegaUpload, répartie sur plus de mille serveurs. En sachant que MegaUpload aurait déboursé plus de 65 millions de dollars à ses hébergeurs depuis 2005, la perte d’un tel client est sans nul doute préjudiciable. MegaUpload, n’étant plus en mesure de les payer, elles ne pourront pas bloquer indéfiniment ces serveurs. Elles devront libérer la place à d’autres entreprises.

Les utilisateurs à l’assaut du FBI

Certains utilisateurs sont plus véhéments. En Espagne, plusieurs centaines d’anciens consommateurs de MegaUpload veulent déposer une plainte collective contre le FBI et la justice américaine. Carlos Sanchez Almeida, avocat basé à Barcelone, explique la démarche :

En accord avec la législation espagnole, les associations de consommateurs ont la légitimité de représenter les intérêts des préjudiciables, dans un cas comme la fermeture de MegaUpload. C’est la procédure la plus appropriée pour satisfaire, en un seul procès, des centaines de milliers de demandes individuelles.

La stratégie est déjà établie. “C’est une affaire de tiers, indique le magistrat. Pendant la procédure, la justice américaine a saisi des biens qui n’appartiennent pas à l’accusé mais à des tiers innocents.” Si les utilisateurs ne peuvent pas récupérer leurs fichiers archivés, il s’agit “d’une violation de la confidentialité”, protégé par le Code pénal espagnol. Les associations d’utilisateurs devraient réclamer une injonction de la part de la justice espagnole, laquelle pourra solliciter une collaboration internationale afin de“récupérer les fichiers archivés”.

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L’Espagne est l’un des centres névralgiques des contestations. Le 25 janvier dernier, le Parti pirate catalan a créé une plateforme où chacun peut “exprimer son intérêt” sur la récupération des fichiers. Cette initiative veut poser les bases de la plainte collective espagnole. Elle est soutenue par plusieurs autres partis pirates. Notamment en France.

L’année dernière, en Espagne, c’est un site de streaming video Roja directa, qui a été victime des autorités américaines. Les douanes ont saisi les noms de domaines afin d’empêcher les internautes d’accéder au site. Aujourd’hui, les tribunaux des deux pays examinent encore sur la légitimité de l’action répressive.

Stopper

De son côté, même s’il dit être en négociation, MegaUpload ne semble pas en mesure de restituer les fichiers. Kim Dotcom comparaissait jeudi [EN] devant le tribunal Néo-Zélandais, où il a expliqué avoir été “frappé au visage et projeté à terre” lors de son interpellation. Fauchée et inculpée par la justice américaine, la plateforme s’implique plus dans la défense de ses intérêts. D’ailleurs, comme le rappelle un juge américaine cité par ecrans.fr :

MegaUpload informait expressément ses utilisateurs qu’ils n’ont aucune propriété sur les fichiers qui se trouvent sur ses serveurs. Ils assument donc le risque de les perdre ou de ne pas pouvoir y accéder, et acceptent que MegaUpload puisse stopper ses activités sans les en informer.

Ou de la nécessité de lire les conditions générales d’utilisation.


Photos par Purplemattfish/Flickr (CC-byncnd) et Richard Clupés/Flickr (CC-byncsa)

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