Côté US, c’est le Wall Street Journal qui s’est collé le mieux à l’exercice périlleux (en termes d’ergonomie, notamment) de la restitution graphique dudit bilan sportif. À défaut d’être réellement surprenant, l’exercice du WSJ “The Olympic Medal Count” [en] est propre, lisible et léger : une carte du monde, des ronds dans l’eau taillés proportionnellement au nombre de récompenses obtenues (ça bouchonne un peu en Europe), une possibilité de filtrer par discipline et par couleur de médaille — et, bien sûr, d’avoir le récapitulatif exhaustif des champions par pays. Comme on dit : c’est de l’interactive design.
Côté français, sans forfanterie : la performance est nettement supérieure (ça compensera). L’application “Jeux Olympiques de Londres“, publiée par France Info et réalisée par les amis de WeDoData, part avec la même intention de faire propre et léger.
Au final toutefois : un design plus léché, une frise chronologique bien sentie, un module “Regardez les JO autrement” affichant un classement des médailles “par habitants” (qu’on aurait vu au singulier), “par richesse” et “par délégation” qui part d’un très bon sentiment — et qui manque sans doute un peu de clarté (méthodologie ?). On ne ratera pas non plus le trombinoscope “Les Français” qui offre un véritable panorama sportif de la délégation tricolore et la petite fiche d’identité de chacun d’eux.
En bref, un projet bien mené, globalement bien conçu et gentiment réalisé. Cerise sur le gâteau : la petite explication de texte de Jean Abbiateci sur le scraping (récolte) de données qu’il a effectué pour WeDoData à l’occasion. Humilité et partage, les deux mamelles du datajournalisme !
Niveau bilan, l’intarissable Guardian nous gratifie cette semaine d’un dernier coup de fouet en pondant l’article attendu “Londres 2012 et le journalisme de données : qu’avons-nous appris des Jeux olympiques ?” [en]. Simon Rogers y pose les bases de sa réflexion — qui fera sans doute consensus, comme souvent : 1) il existe plus d’une manière [en] de lire le classement des médailles (ce que l’app française tente sans doute de démontrer aussi) ; 2) les pays n’ont pas gagné leurs médailles de la même manière [en] qu’en 2008 ; 3) les médaillé(e)s britanniques proviennent davantage des écoles publiques [en] qu’en 2008 ; 4) les athlètes sont (dé)formés [en] par leur discipline ; 5) la Grande-Bretagne n’est pas si nulle que ça [en] comparée aux Etats-Unis (ah, les pinailleries familiales) ; 6) les nageurs et nageuses vont de plus en plus vite [en] ; 7) d’où vient et où va l’argent des JO [en] — et ainsi de suite pour mettre en valeur le travail remarquable du fleuron européen du “ddj” tout au long de la compétition. À ne pas rater.
Allez, on abandonne (enfin ?) les Jeux olympiques pour revenir à la veille classique. Et il reste du lourd cette semaine à vous proposer.
Les amateurs du personnage mythique de James Bond seront forcément conquis par “007 – The Business of Bond” [en], très bon boulot de Kelvin Luck avec — là encore — tout plein de JavaScript rigolo, dont le très en vogue d3.js. Cette application a été soumise au défi “Diagrams are forever” [en] chez Information is Beautiful (David McCandless) et nous serions surpris qu’elle ne touche pas le jury d’éminents spécialistes, tant elle est conçue simplement et efficacement. Ce sont donc 22 films mis bout à bout, un rappel de leur fréquentation (US et Europe) et de leur coût de fabrication qui permet en un coup d’oeil de cerner le niveau de rentabilité de chacun (avec réajustement de l’inflation ou pas). Et tu sais quoi ? Tu peux pas test Sean Connery.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
La question ne nous brûle pas les lèvres cette semaine, mais elle a visiblement mis des fourmis dans les doigts de Renee DiResta, investisseuse sanfranciscaine dans le civil, sur son blog No Upside. En cette période un peu chaude outre-Atlantique (élections, tout ça) et propice à l’exacerbation des différences entre #lesgens, Renee s’est demandée comment les Américains se perçoivent eux-mêmes [en]. Son postulat : taper “Why is [un des 50 états de l'Union] so” (“Pourquoi [x] est si…”) dans Google et voir ce que Google Suggest… lui suggérait.
Si vous êtes lecteur d’Owni, vous savez que Google Suggest nous éveille particulièrement. Et l’expérience data de Renee DiResta est amadouante à plus d’un titre (donc) : d’abord, la dame est investisseuse et pas journaliste ; c’est une simple citoyenne éclairée — c’est comme ça qu’elle se positionne. Ensuite, sa méthodologie est un poil tirée par les cheveux mais tient la route. Enfin le rendu (où son monsieur, développeur, a visiblement mis les mains) est simple et séduisant.
Au-delà de la cartographie interactive classique, nous avons particulièrement apprécié le travail de mise en relation du sentiment régurgité par Google Suggest par rapport à la réalité que Renee est allée chercher sur les silos de données publiques US. Le premier qui prend le temps de faire la même chose avec les départements français a gagné le droit d’être en vedette d’un des prochains épisodes des Data en forme.
Une fois n’est pas coutume, nos camarades du Monde ont mis les bouchées doubles pour générer une chouette dataviz politique. Autant mettre au carré d’emblée : le bouzin n’est pas des plus clairs. Circonstances atténuantes, les données à mettre en valeur sont nombreuses et complexes, et le rendu est joli — ce qui n’était pas évident de prime abord. Ambitieux, le projet “Le cumul des mandats des parlementaires socialistes” veut donc identifier en un clin d’œil la proportion des députés et sénateurs PS cumulant d’autres fonctions électives (dans les mairies, les conseils régionaux, les intercommunalités).
Pour mettre un peu de lumière : à gauche, les 425 députés et sénateurs — on peut décocher l’un des deux en haut pour n’afficher que l’autre — fractionnés en quatre groupes (de 0 à 3 mandats en sus). Sur les 425 députés et sénateurs, 201 ont un mandat supplémentaire. On se fait une idée de la répartition des 201 en se dirigeant vers la droite et en mettant en surbrillance la colonne centrale dans sa partie rose : sur les 201 députés et sénateurs, beaucoup sont aussi maires, d’autres (moins) sont adjoints, etc. Une idée générale du volume “s’illumine” sur la droite de l’écran. Ou encore, de retour à gauche, 81 élus PS ont deux mandats en sus de leur mandat principal — soit (81 x 2) 162 postes répartis… selon une proportion, ici encore, dont on sera seuls juges. Et il en va de même pour les 19 députés et sénateurs qui occupent (19 x 3) 57 postes car cumulent trois mandats supplémentaires.
C’est d’ailleurs là que la frustration est la plus grande : il manque les chiffres exacts, on n’a donc qu’une idée vague de la répartition des élus selon les fonctions locales qu’ils occupent. Tout est question de proportion et de coup d’œil.
On terminera avec la baffe de l’été. Celle infligée par ce petit nouveau de la dataviz nommé… Google. Le projet “Arms Trade” s’inscrit en effet dans celui, plus ambitieux, de Google Ideas [en] — qui veut “se joindre à la lutte contre les cartels de la drogue et autres réseaux illicites” en pariant que la technologie peut participer efficacement à cette lutte. Pavé dans la data-mare, Arms Trade décrit sur une mappemonde éblouissante le commerce des armes de poings (civiles et militaires) et de leurs munitions pour chaque pays du monde (import et export), à travers les vingts dernières années – données fournies par le Peace Research Institute d’Oslo. Un bon gros joujou en JavaScript qui — s’il n’en était le sujet, si sérieux — fait passablement… rêver tout metteur-en-scène de données.
Bonne data-semaine à tous !