OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La victoire des nerds http://owni.fr/2012/11/19/la-victoire-des-nerds/ http://owni.fr/2012/11/19/la-victoire-des-nerds/#comments Mon, 19 Nov 2012 16:24:45 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=126181 The Atlantic raconte comment, en 2012, la campagne d'Obama s'est (enfin !) jouée sur Internet. Aux côtés de codeurs barbus et binoclards, elle a intégré l'infrastructure et l'esprit du réseau. ]]>

“Cette année, la campagne s’est jouée sur Internet”. Effet de bord des “buzz” et autres “clashs” politiques 2.0, la formule est désormais une tarte à la crème des élections. De la présidentielle à la nomination d’un chef de clan, chaque rendez-vous du genre est censé marquer l’avènement d’une nouvelle approche politicienne du Net, forcément plus fine et plus adéquate – sans que les faits suivent vraiment le discours.

Le marronnier a explosé après 2008, et la campagne très web-friendly de Barack Obama, dont commentateurs et politiques de tout pays — la France en tête — se seraient inspirés avec plus ou moins de succès. Quatre ans plus tard, le bruit se fait moins entendre. Pourtant, la campagne américaine s’est jouée plus que jamais sur Internet. Ou plus exactement en son cœur. C’est moins visible mais autrement plus impressionnant. Et efficace.

Narval contre Orque

The Atlantic explique ainsi dans une longue enquête comment l’infrastructure du Net a été mieux considérée et exploitée par l’équipe de campagne d’Obama en 2012.

Contrairement à l’épisode précédent, celle-ci est allée chercher des techniciens de réseau. Une quarantaine d’ingénieurs, de “nerds”, comme ironise le magazine américain, qui ont “bâti la technologie dont ils avaient besoin pour faire réélire le Président”. Des mecs “de Twitter, Google, Facebook, Craigslist, Quora” détaille entre autres The Atlantic, dont les portraits viennent renforcer l’imaginaire geek : grosses lunettes, barbe fournie et belle bedaine.

Autoportrait d'Harper Reed, style Obama par Obey (CC by nc nd)

Il suffit de jeter un œil au chef de cette e-brochette pour comprendre : Harper Reed, codeur binoclard à moustache rousse et ancien directeur technique de Threadless, un site de vente de tee-shirts et goodies geeks – les amateurs reconnaîtront.

“Il soutient l’open source. Aime le Japon. Dit ‘fuck’ sans arrêt. Va dans des bars de hipsters qui servent de la nourriture végétarienne mexicaine, où le quart des employés et des clients ont des moustaches. [...] Il est ce à quoi un roi des nerds pourrait ressembler”, décrit The Atlantic. Et Reed de conclure sur son site personnel qu’il est :

Probablement l’un des mecs les plus cools de la Terre

Bref, drôle d’attelage au sein du bestiaire politique. Pour un résultat pourtant édifiant : la mise en place d’un panel d’outils informatiques dont le clou du spectacle, “Narwhal” (“Narval” en français), permettait de brasser en temps réel toutes les informations disponibles sur la campagne, les votants et les bénévoles. Une plate-forme d’organisation et de communication gigantesque, mise à disposition de l’équipe d’Obama. Face à cette baleine unicorne, le camp républicain avait choisi de déployer “Orca” (“Orque” en français), car, explique The Atlantic qui cite les soutiens de Mitt Romney :

L’orque est le seul prédateur connu du narval.

Sauf que cette fois-ci, Willy n’a pas pu être sauvé : l’outil de Mitt Romney a crashé aux premières heures du jour J. Et ne faisait de toute façon pas le poids face à l’envergure de celui d’Obama.

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Aux États-Unis, le candidat républicain joue avec des bases de données (et avec la vie privée) de millions de potentiels ...

L’équipe du Président américain a appris de ses erreurs, poursuit le magazine américain. Quatre ans auparavant, sa plate-forme s’effondrait à la manière de celle de Romney en 2012. “L’échec de 2008, entre autres besoins, a poussé la version 2012 de l’équipe d’Obama à internaliser des techniciens”, poursuit The Atlantic.

Rien n’a été laissé au hasard. Des simulations ont même été lancées pour parer au pire des scénarios susceptibles de se produire le D-Day. Plusieurs sessions intensives pendant lesquelles les nerds d’Obama tentaient d’éviter la paralysie de leurs outils de campagne en ligne, en trouvant des remèdes à une succession de pannes sortie de nulle part ailleurs que leur esprit génial.

Ils “détruisaient tout ce qu’ils avaient construit”, comme le raconte Harper Reed au magazine américain. A l’instar d’astronautes surentraînés, ils avaient une checklist pour chaque incident, le tout compilé dans un “runbook”. Ce petit jeu leur a par exemple permis de ne connaître aucun temps mort au passage de l’ouragan Sandy, fin octobre, qui a noyé bon nombre de serveurs situés sur la côte Est des États-Unis.

Les nerds d'Obama avec le boss de Google, Eric Schmidt, le jour de l'élection. YOLO ! (CC by nc nd)

YOLO

Au final, aucun cyclone ou aucune attaque extra-terrestre n’est venu perturber le cours de l’élection. Les mecs ont même eu le temps de “concocter un petit badge pour fêter ça” raconte The Atlantic. Badge reprenant la dernière expression branchée “YOLO”, “You Only Live Once” (“On n’a qu’une vie” en français) en version Obama. De quoi renforcer l’image déjà so cool du Président américain sur Internet.

Mais la plupart du temps, les techos d’Obama n’ont fait que peu d’incursions sur le terrain. IRL ou sur Internet. D’autres équipes s’occupaient à plein temps de ces champs. Il a fallu travailler avec chacune et ça n’a pas toujours été simple. Loin de là.

Les nerds ont même été à deux doigts de se prendre la porte. Équipes de terrain, politiciens et techniciens ne parvenaient pas à s’entendre, en particulier dans l’étape de réalisation des outils de campagne. Une étape pourtant cruciale. “Alors que l’équipe technique luttait pour traduire en un logiciel utilisable ce que voulaient les gens, la confiance dans l’équipe technique – déjà chancelante – continuait de s’éroder”. Et pourtant, “la campagne a produit exactement ce qu’on attendait d’elle”, conclut le journaliste de The Atlantic :

Une hybridation des désirs de chacun dans l’équipe d’Obama. Ils ont levé des centaines de millions de dollars en ligne, réalisé des progrès sans précédent dans le ciblage des électeurs, et ont tout construit jusqu’à l’infrastructure technique la plus stable de l’histoire des campagnes présidentielles.

Un ingénieur informaticien dans les bras du Président des États-Unis (cc by nc nd)

Low tech

Pour The Atlantic, le cru 2012 de la présidentielle américaine s’est donc bel et bien joué sur Internet. En 2008, commente le magazine, on pataugeait encore dans le “low tech”. “La technique d’une campagne était dominée par des gens qui se souciaient de l’aspect politique de la chose, et non de la technologie de la chose”.

[visu] En 2012, Internet n’existe pas

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Visualiser en un coup d’œil les propositions des candidats sur le numérique. C'est ce que OWNI vous propose en ...

Bien sûr il y avait Facebook, ou Twitter. Mais ils ne représentaient pas grand chose à l’époque. “Ce n’était pas le cœur ou même une annexe de notre stratégie”, confie Teddy Goff, “digital director” des campagnes d’Obama, à The Atlantic.

C’est une nouvelle étape dans l’intégration du Net dans la politique. Qui permet aussi de comprendre, au moins en partie, l’habile appropriation des codes du web par le Président réélu. D’une réinterprétation de mèmes aux sorties sur Twitter ou Instagram, l’équipe de Barack Obama compose avec Internet. L’intègre avec souplesse à sa communication bien huilée, au lieu de le plier aux codes traditionnels du discours politique.

À cent mille lieues de l’expérience made in France. Malgré les sempiternelles promesses d’e-révolution, les campagnes des candidats à la présidentielle n’ont pas brillé par leur fulgurance sur Internet. De l’aveu même de certains, Internet n’était alors qu’un canal de com’ supplémentaire, aux côtés de la télévision, de la presse écrite ou radio.

Il y a bien eu quelques trouvailles, mais elles restent bien maigres face au tableau général : une équipe web recrutée à 100 jours de l’échéance côté Hollande, un panzer en partie externalisé pour Sarkozy. Quelques polémiques aussi, sans oublier l’abandon, sur le fond, des thématiques numériques par les candidats. En France, l’avènement des ingénieurs informaticiens en politique n’est pas pour demain.


Illustration d’Obama par Tsevis [CC-nyncnd] et autoportrait deHarper Reed [CC-nyncnd]

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Financer l’information: recettes et expériences http://owni.fr/2010/06/17/comment-le-magazine-the-atlantic-va-peut-etre-survivre-a-la-crise-de-la-presse/ http://owni.fr/2010/06/17/comment-le-magazine-the-atlantic-va-peut-etre-survivre-a-la-crise-de-la-presse/#comments Thu, 17 Jun 2010 15:45:20 +0000 Bill Mickey (Foliomag) http://owni.fr/?p=18322 The Atlantic, un mensuel fondé il y a 153 ans, a vu depuis les années 60 ses revenus diminuer et ses coûts augmenter fortement. Une profonde restructuration transversale de la marque commencée en 2007 a remis le magazine sur les rails de la rentabilité.

Dans son discours du mercredi 9 juin à la conférence Folio: show, Justin Smith, le président d’Atlantic Media, a annoncé que le titre devrait être bénéficiaire au quatrième trimestre de cette année et faire plusieurs millions de profits en 2011.

L’objectif de la nouvelle équipe que le propriétaire du titre David Bradley a mis en place en 2007, est de “prendre une marque qui a perdu des millions, et lui redonner de la valeur et de la stabilité“, a déclaré Smith. Le coeur de cette nouvelle stratégie était de donner au titre une véritable image de marque, une orientation clairement digitale, de consolider les services marketing, de développer les évènements live, et de maintenir l’effort sur un recrutement de qualité.

L’image de marque: nouvel objectif pour les journaux ?

D’après Smith, la marque The Atlantic a longtemps souffert d’une définition imprécise. Son équipe a alors décidé d’avoir la même approche que les entreprises traditionnelles.Les gens on tendance à ne parler que du côté éditorial et pas de la marque“, dit Smith, qui ajoute que l’industrie des médias manquent de chefs de produit, et ne comptent par sur des gens pour gérer l’image de marque. “Les rédacteurs-en-chef ne sont pas équipés pour gérer l’image de marque“.

Un examen des domaines dans lequel le magazine était très performant a débouché sur un slogan : la “pensée courageuse“. C’est cette baseline qui a définit l’”essence” de la marque. Ce slogan, explique Smith, est devenu l’étoile polaire de la marque. “Si vous avez cette idée d’organisation, cela simplifie énormément. Cela crée un sens de la discipline très puissant.”

Digital avant tout

Smith s’est également battu pour mettre en place une stratégie complètement digitale. Il affirme que si la presse imprimée n’était pas morte, avoir cette approche allait permettre à l’entreprise de se détacher de ses sources de revenus traditionnelles.

Plus important, la refonte du site internet a été conçue comme une véritable révolution de la marque. “Si notre mission était de tuer le magazine, que ferions-nous ?” explique Smith. Pour l’année 2010, il prévoit d’ailleurs que le numérique compte pour 39 % du chiffre d’affaire de la marque.

Ne pas oublier le marketing

Atlantic Media a également mis en place un département marketing. “La question pour nous de ce côté là est de savoir comment on se différencie des réseaux de pub” explique Smith. “C’est l’idée d’être une entreprise de services marketing où tu fais quelque chose de très profond et d’interactif avec l’audience“. Smith a également construit une plateforme d’évènements live, et a noté que c’était un domaine où les efforts tombait généralement à plat. “Les lecteurs et les éditeurs ne voient pas les évènements comme un profit potentiel“, dit-il. Dans le même temps, les revenus des évènements live ont doublé ces deux dernières années.

Le talent, dit Smith est “la clé du succès“, et il passe à peu près 55% de son temps sur des questions liées au talent. “Rien n’est plus important pour le succès du business que votre conception du talent.” Grâce la restructuration, explique Smith, la marque a éliminé 2 millions de dollars de coûts inutiles. “Les produits sont meilleurs, l’équipe plus réduite et la reconnaissance plus importante“, dit-il.
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Billet originellement  publié sur Foliomag.com sous le titre “Behind The Atlantic’s Brand Reinvention“.

Crédits Photo CC : Wvs.

Traduction: Martin U.

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