Prologue. Mettons les différents cas de figure suivants :
Si tu insultes le chef de l’État, tu risques :
Et si tu insultes le chef de l’État sur le web ? C’est plus compliqué.
Si tu insultes le chef de l’État sur un site Internet, si par exemple tu écris (ce qui suit n’est qu’un exemple, une illustration, et donc pas une insulte, hein ?), si par exemple tu écris, disais-je : “Nicolas Sarkozy est un trou du cul“, a priori tu encours également des poursuites pénales pour insulte (ou outrage, j’en sais rien, je suis pas Maître Eolas), vu que la loi s’applique aussi sur le web. Mais …
Mais si tu écris que : “la page classée première pour la requête ‘trou du cul’ sur Google est le compte Facebook officiel du président de la République“, ou – autre exemple – si tu écris, “il s’agit cette fois de désigner Nicolas Sarkozy comme un trou du cul“, ou bien encore, “grâce à cela, Nicolas Sarkozy est un trou du cul“, tu n’insultes pas le chef de l’État, tu relates ou participes à une forme de catharsis collective visant à détourner volontairement le fonctionnement des algorithmes de pertinence que les moteurs de recherche utilisent pour classer leurs résultats, tu fais du Google Bombing.
Plus subtil :
Kesako Google Bombing ?
Le Google Bombing, comme l’écrit Wikipédia, est “une technique de référencement visant à influencer le classement d’une page dans les résultats du moteur de recherche Google. Elle exploite une caractéristique de l’algorithme PageRank qui accorde un certain poids au texte avec un hyperlien vers une page. Si plusieurs sites utilisent le même texte pour pointer sur la même cible, Google additionne ce poids et il devient possible de faire apparaître la page cible dans les résultats d’une recherche sur le texte contenu dans les liens pointant vers elle.” La suite de la page Wikipédia regorge d’exemples en tous genres. Je vous y renvoie.
Dernière bombe en date donc, celle renvoyant, sur la requête “trou du cul” à la page Facebook officielle de Nicolas Sarkozy. N’en fallait pas davantage aux médias internationaux de tous poils (sic) pour se faire l’écho de cet outrage par la bande. Joint au téléphone dans l’après-midi par une journaliste de l’AFP qui était tombée sur cet ancien article d’Affordance, notre conversation s’est transformée en dépêche AFP, laquelle s’achève sur un contresens dommageable que je vais ci-après m’efforcer de corriger (sans acrimonie aucune pour la journaliste en question : nous étions tous deux pressés par le temps, et l’entretien s’est fait dans l’urgence de l’événement, du coup je n’ai certainement pas été assez clair… et comme j’ai un blog pour rectifier le tir, j’en profite :-)
Retour sur la dépêche AFP.
Première inexactitude.
Il ne s’agit pas du “système d’exploitation” du moteur de recherche mais bien de son algorithme, c’est-à-dire du programme informatique lui permettant de classer les pages par ordre de pertinence.
Deuxième inexactitude.
Les chiffres donnés à la journaliste l’étaient davantage au titre d’une parabole explicative que d’un authentique exemple. De fait, personne n’est capable d’indiquer (même très approximativement) combien de sites sont nécessaires à la fabrication d’une Google Bomb. On sait juste qu’il en faut… beaucoup, et que cela dépend d’au moins deux critères :
Et un gros contresens.
Vrai : il est effectivement très simple techniquement d’éliminer ce genre de liens. Mais faux : Google ne s’en tient plus à sa politique de laisser faire. Il y eut en fait plusieurs temps dans la gestion du Google Bombing par Google lui-même :
La vérité est ailleurs.
Sauf à travailler chez Google et à être en charge du dossier, personne ne sait vraiment ce qu’il en est. On peut simplement être certain que :
On résume ?
Bon ben alors y’a quoi d’nouveau dans c’t'affaire ??
Ce qui est nouveau dans l’affaire c’est qu’il s’agit, à ma connaissance, de la première fois que le support de la cible attaquée (Nicolas Sarkozy) n’est pas un site institutionnel (elysee.fr) mais la page “officielle” du premier des réseaux sociaux occidentaux. Plusieurs remarques s’imposent alors :
<Update> Comme me le fait remarque @Palpitt sur Twitter, le site Sarkozy.fr (lui-même victime d’un Google Bombing en 2009), redirige vers la page Facebook de Nicolas Sarkozy. “Il y a dû y avoir un transfert de poids”. </Update>
Quels enseignements en tirer ?
P.S. : concernant la réaction de Google, je vous renvoie à la précédente dépêche AFP sur le sujet dans laquelle la firme indiquait : “Nous ne soutenons pas cette pratique, ni aucune autre visant à altérer l’intégrité de nos résultats de recherche, mais en aucun cas cette pratique n’affecte la qualité générale de notre moteur de recherche dont l’impartialité reste, comme toujours, au centre de notre action“, a souligné Google.
<Update> Ce mercredi 8 septembre, la bombe a été désamorçée par Google. Ne figurent plus que les sites faisant mention du Google Bombing. </Update>
—
Billet initialement publié sur Affordance
Image CC Flickr Urban Jacksonville
]]>Y a-t-il eu pression de la part de l’Elysée ? Ou réflexe de protection, assez classique en com’ ? Et Google d’expliquer qu’ils n’étaient pas maitres de mécanismes de liens influant sur leur algorithme, renvoyant de fait la faute sur certains internautes malintentionnés.
Par un truchement logique, il se trouve que voir apparaitre un Google Bombing est en fait la meilleure preuve de l’impartialité de l’algorithme de son moteur de recherche, et que de tels agissements, marginaux par nature, ne sont pas une raison pour remettre en cause la qualité des résultats remontés.
Une chose est claire : Google réitère le fait qu’ils ne sont pas “enthousiasmés par l’idée de modifier manuellement nos résultats pour empêcher de telles informations d’apparaitre”. Parce que le Château leur avait demandé de le faire, peut-être ?
Il se trouve d’ailleurs qu’une telle demande se trouvait dans les dispositions de la loi Hadopi, afin de faire remonter en premier sur une recherche les sites “agréés” par le Gouvernement comme fiables dans le domaine du téléchargement légal. Ce qui revenait à “bidouiller” les résultats de Google, entre-autres moteurs de recherches.
Le réflexe de maîtrise de l’information délivrée au citoyen est décidément un sujet de plus en plus préoccupant pour nos politiques.
PARIS- le 22 juillet 2009 – Si vous tapez une certaine succession de mots sur notre moteur de recherche, le premier résultat qui apparait en ce moment est le site www.sarkozy.fr. Nous souhaitons très clairement expliquer ce qui se passe actuellement sur ce résultat de recherche afin de lever toute ambiguïté.
Les résultats de recherche de Google sont générés par un algorithme qui classe, entre autres, les pages web en tenant compte de la relative popularité des sites qui pointent vers ces pages. Toutefois, en faisant appel à une pratique appelée “Google Bombing”, des webmestres peuvent ponctuellement faire remonter des résultats inhabituels sur certaines requêtes. Dans ce cas précis, un grand nombre de webmestres ont utilisé l’expression en question pour pointer vers le site www.sarkozy.fr, faisant ainsi remonter ce site parmi les résultats de recherches liés à cette requête.
Nous n’excusons pas cette pratique, ni aucune autre pratique visant à altérer l’intégrité de nos résultats de recherche, mais nous ne sommes pas plus enthousiasmés par l’idée de modifier manuellement nos résultats pour empêcher de telles informations d’apparaitre. Cette pratique malveillante du “Google Bombing” est peut-être divertissante pour certains, mais en aucun cas leur démarche n’affecte la qualité générale de notre moteur de recherche, dont l’impartialité reste, comme toujours, au centre de notre mission.
Contacts presse:
presse-fr@google.com