OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un Nobel ne fait pas le printemps http://owni.fr/2011/10/06/un-nobel-ne-fait-pas-le-printemps/ http://owni.fr/2011/10/06/un-nobel-ne-fait-pas-le-printemps/#comments Thu, 06 Oct 2011 10:16:41 +0000 Yves Gonzalez-Quijano http://owni.fr/?p=82283 [Mise à jour, lundi 10 octobre] Vendredi, le prix Nobel de la paix 2011 a été remis à la présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, à l’activiste libérienne Leymah Gbowee, et à la militante yéménite Tawakkul Karman. Le comité les a choisies “pour leur lutte non-violente pour la sécurité des femmes et pour le droit des femmes à participer pleinement à la construction de la paix”. Sur son blog, Yves Gonzalez-Quijano a réagi à cette nomination : “Un Nobel un peu collectif (trois récipiendaires) et le “printemps arabe” associé au prix Nobel de la paix sans en occuper, au risque d’un malentendu, le centre : bonne pioche les Nobel !”

On a envie de paraphraser la belle formule employée vers la fin du mois de mai dernier par trois intellectuels syriens exhortant Bernard-Henri Lévy, au regard de ses antécédents vis-à-vis de la question palestinienne, à bien vouloir s’abstenir de toute intervention sur ce qui se passe dans leur pays… Elle pourrait en effet très bien convenir aux jurés de l’académie suédoise dont on dit que les choix pourraient, dans quelques jours [ndlr : remis vendredi 7 octobre] consacrer une figure arabe !

Pour le prix Nobel de la paix, on parle ainsi soit de l’Égyptienne Esraa Abdel-Fattah, une des militantes du Mouvement du 6 avril, organisation au cœur des mobilisations qui ont conduit au renversement de Moubarak, soit de la Tunisienne Lina Ben Mhenni (une universitaire de 26 ans dont le blog a déjà été distingué en juin dernier par les très reconnus BOBs Awards, organisés par le Deutsche Welle Global Media Forum). Dans les deux cas, les médias nous expliquent qu’il s’agit de saluer à la fois la contribution des médias sociaux et celle de femmes militantes du Printemps arabe©.

Sollicitude soudaine

Une “brillante idée”, naturellement ? Pas si sûr si l’intention est bien d’apporter un soutien explicite à des “musulmanes modérées”. Nonobstant le fait que l’Égyptienne qui serait retenue pour le prix s’obstine à porter un foulard de tête bien inquiétant pour ceux qui croient que c’est un premier pas vers la “burqa intégrale” comme on dit aujourd’hui en France, on peut facilement imaginer que l’octroi d’un prix aussi prestigieux va susciter bien des envies… Autrement plus grave est le fait que, dans le contexte actuel, une telle reconnaissance risque fort de conforter dans leur point de vue tous ceux qui s’interrogent sur la soudaine sollicitude des nations les plus riches vis-à-vis du monde arabe, et qui voient, à l’image de ce qui s’est passé en Libye sur le terrain militaire, une grossière ingérence étrangère sous couvert de nouveaux médias et de soutien à la liberté d’expression.

Quel que soit le crédit qu’on accorde à une telle argumentation, il faut bien reconnaître que le seul fait qu’on mentionne également, toujours pour le prix Nobel de la paix, le nom de Waël Ghoneim donne du grain à moudre à ceux qui pensent que l’employé de Google, le géant américain de l’Internet, est sans doute une icône médiatique parfaite, non pas pour les Arabes mais pour l’”Occident” (à qui il destine d’ailleurs ses Mémoires de combat qui seront publiés par un éditeur américain).

De quoi conforter dans leur opinion des analystes tels que Rabab el-Mahdi, professeure de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, qui lisent ce nouveau narrative élaboré à l’occasion du soulèvement arabe comme une manière de reconnaître une certaine opposition pour mieux ôter toute légitimité à tout ce qui serait trop violemment barbu et trop éloigné des “bons” critères de la modernité politique ! D’ailleurs, en 1988 déjà, lorsque le Nobel de littérature avait été décerné au romancier égyptien Naguib Mahfouz, certains avaient estimé que cette reconnaissance de la fiction arabe moderne venait bien trop tard.

En ne mentionnant que ses textes les plus traditionnels et les moins susceptibles de faire entendre la spécificité de la narration arabe (il est vrai qu’il n’y avait guère de traductions à cette époque…), le prix consacrait enfin un auteur, devenu acceptable sur le plan international dès lors qu’il s’était associé au traité de paix voulu par Anouar El-Sadate, mais violemment refusé par une très grande partie de l’opinion non seulement égyptienne mais arabe.

Rendez-vous raté

Un rendez-vous raté en somme, qui pourrait bien se répéter. Car pour ce qui est de l’autre prix qui, selon les experts, pourrait bien aller à un Arabe, là c’est vraiment de la dynamite comme aurait pu dire Alfred Nobel ! “Il est temps de couronner un poète du Proche-Orient”, se murmure-t-il ainsi dans les couloirs feutrés où se font les prix internationaux. Déjà, on aimerait qu’un prix aussi important ne vienne pas enfoncer des portes désormais ouvertes grâce au combat des manifestants arabes ! On aurait ainsi aimé qu’une telle idée ait germé dans des esprits moins frileux, par exemple lorsque Mahmoud Darwich était encore vivant… Mais il y a peu encore, le monde arabe était fort peu à la mode et la voix de la résistance palestinienne – pourtant traduite dans une multitude de langues – ne suscitait visiblement pas de bons échos !

Et surtout, s’il est bien vrai que l’idée du jour est de récompenser l’œuvre sans nul doute importante de cet autre poète qu’est le “Libanais syrien de naissance” Adonis, il s’agit ni plus ni moins d’un contresens tragique ! Passons sur le fait qu’Adonis a déjà été fort bien récompensé (il vient encore de remporter le très prestigieux prix Goethe en juin dernier)… Mais que cette incarnation, aujourd’hui fort âgée, d’une certaine forme d’opportunisme intellectuel passe pour un authentique représentant de la jeunesse révolutionnaire arabe, au prétexte qu’il a fini des mois après le début des événements qui font tellement de victimes dans son pays natal, par publier une filandreuse lettre ouverte au président syrien, c’est vraiment user du politiquement correct pour insulter la mémoire des vrais résistants arabes.

Messieurs du Nobel, de grâce, épargnez aux Arabes un tel soutien !


Article initialement publié sur Culture et politiques arabes sous le titre “Un Nobel politiquement correct ? Epargnez aux Arabes un tel soutien !”.

Illustration & Photo FlickR CC [by-nc] ereneta [by-nc-sa] Betsithedivine

]]>
http://owni.fr/2011/10/06/un-nobel-ne-fait-pas-le-printemps/feed/ 1
Le Web, acteur et enjeu de la vie politique russe http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/ http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/#comments Wed, 04 May 2011 09:36:46 +0000 Julien Nocetti http://owni.fr/?p=60876 Relativement libre, le traitement du Web en Russie contraste avec le contrôle étroit exercé sur les médias traditionnels, télévision en tête. Le phénomène des blogs est porté par la croissance substantielle du Net en Russie depuis une décennie. Le potentiel politique de la blogosphère est régulièrement mis en avant par les affaires de corruption révélées par des blogueurs-militants, comme celui impliquant le groupe pétrolier Transneft, dénoncé par Alexeï Navalny [EN] à l’automne 2010, ou la polémique née de la construction d’une autoroute traversant la forêt de Khimki [EN], au nord de Moscou.

La blogosphère, caisse de résonance du ressentiment populaire

La mobilisation pour la sauvegarde de cette zone protégée s’est structurée en grande partie sur la blogosphère. Dans les situations extrêmes, les blogueurs sont les premiers à répandre la nouvelle et à agréger l’information. Le rôle des blogs et des micro-blogs, comme Twitter, a ainsi été crucial dans la couverture médiatique des attentats du métro de Moscou en mars 2010 ou des incendies dévastateurs de l’été 2010. L’action d’opposition concerne désormais moins les figures ou partis politiques que les actions de terrain. Le Web sert souvent de dernier recours dans des situations désespérées, comme en témoigne la mode des « policiers YouTube » [EN] ou les manifestations d’automobilistes dans l’Extrême-Orient. Les sceptiques estiment que les blogs sont utilisés par l’Etat comme un moyen de canaliser les opinions critiques tout en conservant intact un système politique semi-autoritaire.

Dimitry Medvedev - World Economic Forum Annual Meeting 2011

Cette utilisation politique du Web – néanmoins balbutiante – a attiré l’attention du Kremlin. Le numérique crée en effet un défi de gouvernance et de légitimité politique que le président Medvedev, plaçant les nouvelles technologies en tête des priorités de son mandat et lui-même technophile convaincu, a su anticiper. Cette démarche se traduit par une implication de plus en plus visible des gouvernants (ministres, parlementaires, gouverneurs des régions) sur les principales plateformes de blogs et les réseaux sociaux comme Vkontakte (équivalent russe de Facebook) ou Twitter. A l’origine de ce « dédoublement virtuel » : l’inquiétude du Kremlin dans la perte de confiance des citoyens dans les médias officiels, tandis que le Web est un moyen de promouvoir la modernisation du système politique. Avec plus ou moins de succès [PDF] jusqu’à présent.

Frontières numériques = frontières physiques ?

Multipliant les projets dans la sphère numérique, l’État russe est un « acteur proactif » du Web, qui tente de modeler l’espace d’information national et de diffuser des messages politiques qui lui sont favorables. L’objectif est de parvenir à une « russité » du Net russophone, c’est-à-dire de calquer les frontières numériques sur les frontières physiques. Dans cet objectif, les autorités superposent une série d’initiatives incitant les internautes à rester dans le cadre du cyberespace national. Tant le projet de créer un moteur de recherche d’État [RU] que l’adoption de l’open source par les différents organes du pouvoir ou le lancement d’un nom de domaine en cyrillique relèvent de cette logique.

En plus de « souverainiser » le Net russe, le Kremlin cherche à établir un contrôle à la fois plus ferme et sophistiqué sur le Web. Le pouvoir a su créer un corpus juridique favorable au contrôle des flux informationnels et cultiver une communauté dynamique de « gourous de l’Internet ». Ceux-ci, par le biais de startups, favorisent la diffusion de messages pro-Kremlin dans les forums et blogs. En outre, l’État concentre les actifs des firmes russes du Net entre les mains d’entrepreneurs proches du Kremlin. On estime ainsi que près de 70 % des pages vues sur le Net russe appartiennent aux sites web du groupe Mail.ru (ex Digital Sky Technologies), qui rassemble le portail Mail.ru, les réseaux sociaux Vkontakte et Odnoklassniki, et participe au capital de Facebook et de startups prometteuses comme Groupon, Zynga ou Spotify.

La route vers les élections sera numérique

Le discours des dirigeants russes sur le numérique reste toutefois empreint d’une certaine schizophrénie. D’un côté, l’administration présidentielle, autour de Dmitri Medvedev, focalise ses initiatives sur le potentiel modernisateur et innovant des nouvelles technologies du Net. D’un autre côté, les siloviki – l’entourage de Vladimir Poutine – redoutent un « scénario à l’arabe » : en Tunisie et en Egypte, les outils du Web 2.0 ont joué un rôle indéniable dans l’organisation des manifestations et la diffusion des événements en cours. Pour ce clan politique, l’Occident – avec Google, Facebook, Twitter et YouTube en « bras armés » – aurait trouvé là un nouveau moyen de faire avancer ses intérêts après les révolutions de couleur dans l’espace post-soviétique. Les récentes déclarations d’Igor Setchine (vice-premier ministre) et d’un haut responsable du FSB, assimilant ces outils à une « menace pour la sécurité de la Russie », valident cette nervosité au sommet.

Quant aux internautes, les récentes cyber-attaques sur la plateforme de blogs LiveJournal [RU], très populaire, ravivent leurs craintes. Assimilées à un « galop d’essai » du pouvoir avant les échéances électorales par certains blogueurs russes, ces attaques traduisent le potentiel de nuisance des autorités sur le Net. A l’approche des campagnes électorales, le rôle des médias et réseaux sociaux sera donc à surveiller de près.


Illustrations Flickr CC France Diplomatie et World Economic Forum

]]>
http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/feed/ 1
RSF : “Toujours plus de filtrage, de contrôle et de surveillance d’Internet” http://owni.fr/2010/06/24/rsf-toujours-plus-de-filtrage-de-controle-et-de-surveillance-internet/ http://owni.fr/2010/06/24/rsf-toujours-plus-de-filtrage-de-controle-et-de-surveillance-internet/#comments Thu, 24 Jun 2010 10:54:20 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=20051 Reporters sans Frontières (RSF) lancera demain un “abri anti-censure”, destiné à apprendre aux journalistes et blogueurs “à contourner la censure, sécuriser leurs communications, et conserver leur anonymat en ligne“. Nous les avons interrogé sur ce projet. Et plus généralement sur l’état de la liberté d’expression en ligne en France, et dans le monde.

En quoi consiste l’abri anti-censure ?

Il s’agit d’abord d’un lieu physique hébergé dans les locaux de RSF (1). Y sont mis à disposition trois postes de travail pour les journalistes et blogueurs qui veulent apprendre à protéger leurs communications et conserver leur anonymat. On leur donne accès aux logiciels libres les plus connus, mais aussi à une solution adaptée de VPN gratuit proposée par RSF. Normalement ce VPN, édité par Xero-bank, est payant. Mais dans le cadre de ce partenariat, ils ont accepté de le fournir gratuitement pour les personnes – journalistes, blogueurs, défenseurs des droits de l’homme – considérés comme vulnérables.

Cela fait dix dans qu’on s’intéresse à la question de la liberté d’expression en ligne. Dans de nombreux pays, quand les médias sont sous la coupe du gouvernement, seuls les blogs diffusent des informations indépendantes et objectives. Et il y a une recrudescence de la surveillance d’Internet pour repérer les dissidents et prendre des mesures contre eux. Donc on a pensé que c’était le bon moment pour fournir des outils à ceux qui en ont besoin.

Comment cet accès VPN sera t-il accessible ?

Il sera accessible sur les trois postes, mais on va aussi fournir des clés USB “tout en un” pour que les gens puissent y avoir accès quand ils rentrent dans leur pays. On va également identifier les journalistes, blogueurs et défenseurs des droits de l’homme qui, sur place, dans leur pays, ont besoin de protection, afin de leur faire donner accès à ce service. Cela devrait concerner plusieurs centaines de personnes. Ensuite, on va ouvrir un site Internet qui donnera accès à ce service, mais proposera également une solution d’hébergement pour les contenus censurés. Par exemple des photos ou vidéos censurées qui mettent en cause les autorités, et sont importants pour le droit à l’information. Car leurs auteurs ne savent pas forcément où les héberger.

C’est ce que compte également proposer l’IMMI. Quel est votre regard sur cette initiative ?

C’est une très bonne initiative, et on a appellé le gouvernement islandais à respecter au maximum les engagements pris par le Parlement. Et il est intéressant de voir ce genre de démarches alors que la tendance générale s’inscrit dans l’opposé. Partout dans le monde, les gouvernement vont vers toujours plus de de filtrage, de contrôle et de surveillance d’Internet, les législations vers des lois liberticides. Pour l’IMMI, ils ont travaillé de manière étroite avec WikiLeaks, qui montre à quel point il est crucial d’avoir une protection des sources.

A propos d’anonymat, que pensez-vous de la proposition de loi de Jean-Louis Masson ?

C’est une proposition de loi complètement absurde. et qui démontre une méconnaissance d’Internet en général et des blogs en particulier. Beaucoup de bloggeurs ne s’exprimeraient pas de la même façon si leur nom était connu. On pense à maître Eolas, mais aussi par exemple à des malades du sida qui témoignent anonymement. Dans une émission, interrogé sur le cas d’un malade du sida, Jean-Louis Masson répondait “Pourquoi il veut témoigner ? Ça n’est pas ça qui va le faire guérir !”. Cela témoigne aussi d’une méfiance générale du gouvernement vis-à-vis des blogueurs. Alors qu’il est parfaitement possible, dans le cadre d’une action judiciaire, de remontrer via l’hébergeur à un blogueur qui a commis un acte illégal au regard de la loi française.

Comment voyez vous l’évolution de la liberté d’expression en France  ?

La France a le record européen en termes de mises en examen et de perquisitions. Ca n’est pas très glorieux. Il n’y a qu’a voir l’histoire d’Augustin Scalbert. Cette multitude de pressions et de mises en examen crée un contexte qui n’incite pas les sources à vouloir révéler des contenus sensibles et d’intérêt général. Et donc pas très proprice au journalisme d’investigation basé sur des sources fiables qui ont besoin d’un climat de confiance. D’ailleurs le 18 juin, on a lancé un appel pour la presse libre, pour appeller les journalistes et les citoyens à resister.

(1) L’abri est situé 47 rue vivienne, 75002 Paris. Il sera ouvert de 10h à 18h, du lundi au vendredi. Une réservation par mail est demandée  : abri@rsf.org.

Nos confrères de Mediapart ont interviewé Jean-François Julliard, le secrétaire général de RSF. Il revient sur l’évolution des missions de l’association, en particulier les changements qu’Internet a provoqués.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

]]>
http://owni.fr/2010/06/24/rsf-toujours-plus-de-filtrage-de-controle-et-de-surveillance-internet/feed/ 16
Sur Internet, on n’envisage pas l’anonymat http://owni.fr/2010/05/27/sur-internet-on-n%e2%80%99envisage-pas-l%e2%80%99anonymat/ http://owni.fr/2010/05/27/sur-internet-on-n%e2%80%99envisage-pas-l%e2%80%99anonymat/#comments Thu, 27 May 2010 15:34:18 +0000 Reversus et Vogelsong http://owni.fr/?p=16735

Une autre saillie contre le net. Cette fois-ci contre les blogueurs. L’attaque est portée par J.L. Masson, sénateur mosellan de son état qui souhaite ni plus ni moins, réviser la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique.

La croisade d’un « allumé de première »

Son objectif : mettre un terme à l’anonymat des blogueurs en obligeant ces derniers à se plier aux mêmes contraintes que les éditeurs de sites professionnels. Nom, prénom, numéro de téléphone, toute cette batterie d’infos devra désormais être visible si cette proposition de loi passe

La charge est rude et on peut légitimement s’interroger sur les raisons d’une telle croisade. J.L Masson souhaiterait-il se faire un nom ? Il est décrit comme un « allumé de première », un franc-tireur manifestement capable de s’engouffrer dans ce genre de combat en solo. Soit, après tout pourquoi pas, il est vrai que depuis 2004 J.L Masson n’appartient plus à l’UMP, et à plusieurs reprises il n’a pas hésité à faire entendre une voix discordante au sein de la majorité. Néanmoins, étant donné le ramdam qu’a provoqué cette proposition de loi, on ne peut que s’étonner du mutisme qui règne au sein des rangs de l’UMP.

Surtout que, volontairement ou non, cette polémique s’inscrit dans un processus plus large de dénigrement systématique du web. Bien que l’on voit mal comment un tel dispositif pourrait être réalisable (héberger son blog à Palo Alto est désormais à la portée de n’importe quel internaute quelque peu débrouillard), des élus de la République continuent de fantasmer sur le contrôle total de la société. Ici le vieil adage : « on a peur de ce que l’on ne connaît pas » prend tout son sens.

Il s’agit ici d’une tentative des gens de pouvoir de conférer une réalité à une menace potentielle. Une menace qui déclenche une lubie (encore une) d’un sénateur incompétent sur le sujet. Récemment, E. Kaspersky s’était prononcé pour la création d’un passeport digital pour lutter contre l’anonymat sur le web, J.L Masson n’est malheureusement pas au même stade de réflexion.

On peut donc s’interroger sur les raisons de cette attaque contre une activité non constituée, versatile, et finalement si peu influente ? Une erreur, sans doute.

Presse/Blog analogie inepte

Au comble de l’ignorance, le député Masson fait l’analogie avec ce qui lui tombe sous la main, c’est-à-dire la presse. Comme si ce modèle de droits et de devoirs pouvait s’appliquer aux blogs. Lorsqu’un journaliste gagne de l’argent avec sa signature (son nom), le blogueur peut, lui, en perdre. Ce que monnaye le journaliste c’est sa plume, son réseau, contre un salaire dans une entreprise qui lui permettra de publier ses articles (modèle théorique parfait). Il en va tout autrement pour le citoyen internaute.

Décrire la réalité crue et ennuyeuse d’un open-space peut lui coûter son poste. Pointer les turpitudes de ses élus pour un électeur de base peut avoir certaines répercussions domestiques. Dans ce cadre, l’anonymat (supposé) du blogueur est la dernière défense face à l’arbitraire des groupes constitués. Si le journaliste, normalement, dispose d’une structure économique et légale pour faire paraître l’information en s’affranchissant des pressions (encore le modèle théorique), le blogueur n’en bénéficie pas. Mais le sénateur J.L. Masson semble l’ignorer.

Parfois, l'anonymat a du bon

Sélection naturelle

Le pleutre se camoufle pour commettre ses méfaits. C’est un peu en ces termes que tenants du « bon sens » s’attaque au problème. C’est encore très mal connaitre l’écosystème du net. Si le cas C.Bruni/B. Biolay fut une dérive de la rumeur, il reste circonscrit, précis. Mais au contraire J.L Masson érige ces micro-exceptions en cas d’école. Au micro de J. Martin de Rue89, il affirme que : «  régulièrement, on a affaire à des gens qui se livrent à des propos diffamatoires, injurieux » sur le web…

Mais c’est très mal connaître la blogosphère qui fonctionne cruellement par sélection naturelle. Diffuser une fausse information une fois peut passer. Ensuite c’est l’éjection. Avec ou sans anonymat. D’autre part, c’est oublier  que la fausse rumeur est relayée par des médias de masse. Qui sans eux serait circonscrite au microcosme. Se pose alors la question de savoir, qu’est-ce qui coince ? La peur de la rumeur diffamatoire, pour la mise en exergue d’informations déplaisante, mais vraie comme le cas Hortefeux ?

L’anonymat, une furtivité

L’anonymat sur internet est une entreprise éprouvante. Il faut du matériel, des connaissances pointues et être méticuleux. Un travail à plein temps. Ce qui est en jeu relève plutôt de la furtivité. La faculté de rester discret et de dire des choses avec l’impression (seulement) qu’une certaine difficulté à être identifié désinhibe. L’expérience montre que les dispositions contre la diffamation existent déjà.

Mais il ne faut pas se méprendre, dans le cas (extrême) de l’atteinte à la sécurité nationale, le débat sur l’anonymat relèvera du folklore. Il est hautement probable qu’il faudra moins d’une demi-heure pour localiser précisément le rédacteur d’un blog « dangereux ».

Et c’est encore mal connaitre cet univers paradoxal fait de discrétion et d’égo démesurés. Garder l’anonymat, tout en voulant être influent. Les blogueurs participent à des évènements politiques, mondains, investissent certaines fois l’Assemblée nationale ou le Sénat. Ils s’érigent en influents, se gargarisent des classements. Aiment être connus. De cet univers nombriliste, certains en ont fait un business. Dès lors, ces marchands du temple n’ont pas mis longtemps à s’élever pour protéger l’anonymat des blogueurs.  À défaut de pouvoir se fédérer, les blogueurs s’en remettent à des boucliers mercantiles.

Finalement J.L Masson répond involontairement à une aspiration inassouvie, la quête d’influence. Un fantasme qui perdure depuis des années auquel cette loi répond de la plus belle manière. La blogosphère se réjouit, si le pouvoir se met à craindre les blogueurs, c’est qu’ils ont donc une influence, une légitimité. Le web ayant pour vocation de devenir tôt ou tard le lieu central du débat public

> Article initialement publié sur Piratage(s) et Reversus

> Photos CC Flickr par JacobDavis

Cet article a fait l’objet d’une mise en page spéciale afin de célébrer la première intégration d’un “arbre de perles” sur la soucoupe >

]]>
http://owni.fr/2010/05/27/sur-internet-on-n%e2%80%99envisage-pas-l%e2%80%99anonymat/feed/ 1
Chroniqueur pop: fin d’un monde et retour à la niche http://owni.fr/2010/04/13/chroniqueur-pop-fin-dun-monde-et-retour-a-la-niche/ http://owni.fr/2010/04/13/chroniqueur-pop-fin-dun-monde-et-retour-a-la-niche/#comments Tue, 13 Apr 2010 10:42:45 +0000 Emgenius http://owni.fr/?p=12140 Dans ce billet, Emgenius s’interroge sur l’évolution des fanzines et blogs musicaux et sur les liens qu’ils entretiennent avec l’industrie du disque.

Titre original:

La niche musicale : icône communicationnelle, et maillon faible de l’économie culturelle de masse

A la niche, Mauricette!

Avec un titre pareil tu te crois au moins dans une analyse bourdieusienne ou un article de Bernard Guetta. En fait non, ce n’est que moi…  et un simple constat. Cette semaine je me suis plongé dans la lecture des aventures de Gerald de Oliveira, que nombre de musicophiles connaissent plutôt parce qu’il est le bonhomme derrière un des premiers blogs totalement indé, totalement gratuit, totalement dévoué, A Découvrir Absolument, et navigue dans les mêmes eaux que notre bon vieux Benzinemag, depuis des temps quasi immémoriaux.

Au fil des années, ADA a réussi à imposer son style à la chronique mitraillette au gré d’albums reconnus, de groupes en développement et d’artistes non signés. Au point que je me suis souvent demandé : mais comment fait-il pour écouter autant de musique et surtout : « où trouve-t-il le temps de critiquer de plus en plus d’albums sur son site, avec une régularité d’horloge ? » et de développer, en plus, des compilations à télécharger toujours plus pointues, toujours plus indé. Je dois l’avouer. Longtemps j’ai jalousé la rapidité du bonhomme et son pagerank Google ;-)

Récemment Gérald a signifié aux internautes qu’il jettait le gant. Que pour cause de naissance et de projets personnels, il arrêtait la course à la chronique et au toujours plus, pour ne se concentrer plus que sur de sporadiques compilations, regroupant ses coups de cœur du moment.

Cet aveu, qui n’engage que son auteur est cependant symptomatique de deux grands mouvements à l’œuvre dans le monde culturel. Mais on pourrait aisément généraliser au  « en ligne » assez facilement.

Il devient de plus en plus facile de produire, enregistrer et diffuser > Difficile de suivre le rythme

Contrairement à Pascal Nègre, je pense que le téléchargement massif et l’accès gratuit à la musique a permis à une génération aujourd’hui post adolescente, d’avoir accès à un catalogue de tires qui nous a été interdit quant à nous.

Image CC FlickR par Brian Lane Winfield Moore

Les gamins qui ont pris les guitares, les ordinateurs et les sampleurs après 2000 ont en général eu accès à un catalogue, que mes cassettes magnétiques faites avec amour suite aux visites en médiathèque n’auraient jamais pu égaler. Le corollaire, c’est qu’un maximum de groupes fomentés dans les garages de l’Essonne, de Jette ou de Brooklyn ont débuté avec une connaissance des œuvres des aînés incomparable.

Globalement, j’ai tendance à croire que cet accès a donné à la jeunesse « qui joue de la musique » une certaine maturité que nous ne pouvions avoir à notre époque ; et globalement une musique plus efficace dès les premières notes. Donc plus enthousiasmante aussi à écouter.

Par ailleurs, n’en déplaise aux majors qui vantent leur labeur de loueur de studios et d’orchestre, force est de constater aussi, que là où mes camarades de fac pouvaient espérer au maximum produire une cassette sur leur quatre pistes, les gamins élevés au super Poulain et à ProTools sont aujourd’hui capables, depuis leur chambre de produire des « entités musicales », des albums, qui ont peut à envier à certaines des productions réservées jadis aux groupes en développement des maisons de disque.

Mieux encore, suite aux crises à répétition qui ont frappé le secteur, il y a fort à parier que les maisons de disque encouragent désormais un type de production similaire pour leurs artistes maison (combien d’interviews ais-je lui d’artistes qui expliquent s’être retirés dans une chapelle pour écrire leur album ou avoir composé la totalité de l’album dans le garage de Joe).

Le résultat est que nombre des premières démo de ces nouveaux groupes n’ont pas grand-chose à envier aux grands frères signés en maison de disque et arrivent très souvent avec bonheur auprès des webzines comme Benzinemag ou ADA, qui ont du coup bien du mal à refuser des démo super abouties, super léchées, qui ont parfois le petit grain de nouveauté qui nous émeut, ou que nous devons laisser sur le côté pour la seule raison, non technique, qu’il s’agit d’un n ième clone des Strokes ou une centième version de Kid A. Il n’empêche que globlament le niveau des démos est devenu très professionnel.

“Le Directeur Artistique est devenu la foule”

Avec l’avènement du web et les boosters que furent en leur temps les pages « official sites » et myspace des groupes, on a pu se mettre à écouter les démos de ces kids de chambre, émergeant des quatre coins du monde, sans filtre marketing, sans barrière de langue, sans halte, sans arrêt.

Et les démos de bidouilleurs isolés ont réussi à toucher un public parfois énorme avant même d’avoir donné ne fut-ce que l’ombre d’un concert dans la salle de gym du lycée. L’industrie en perte de vitesse s’est sentie spoliée d’un rôle de plus, celui de média, et a tenté de compenser les baisses de ventes d’albums par la production de masse de groupes en développement, tentant de compenser ce qu’ils perdaient en masse de vente sur un album par des coups possibles sur de multiples albums.

Côté fanzine, on a donc continué à voir débouler les démos super abouties de groupes non signés en quête de notoriété, diablement efficaces, et les albums de labels parfois plus petit ou non qui diffusent quantité d’albums en général plutôt plus que corrects, car portés par un buzz de fans, de communautés d’amateurs en ligne.

Le DA est devenu la foule, et la foule faite de plein de foules, réparties dans le monde, aux distances et au temps aboli par le web. Pour les webzines, comme d’ailleurs pour les installés de type Inrocks, Rolling Stones, Magic et consorts c’est devenu un peu comme une course à l’écoute. Pour rester généraliste, indé mais pertinent, il faut multiplier ses oreilles ou diminuer son temps de sommeil. Ce qui n’est viable ni si on a des impératifs financiers, ni si on entretient une vie professionnelle en parallèle.

Le désarroi des gloseurs de sorties

C’est à cette époque (il y a trois quatre ans) qu’on a vu les magazines recourir à de plus en plus de stagiaires pour les chroniques papier / web (diluant parfois l’essence des magazines au gré de plumes pas encore suffisamment mûres), user d’artifices comme les dossiers thématiques ou les hors série pour garder un lectorat captif ou un rôle de « carte IGN » dans un univers en perpétuelle ébullition qu’ils sont par ailleurs obligés de suivre sous peine de ringardisation.

C’est à cette époque aussi que sont nés plein de webzines très ciblés : untel sur la musique indus uniquement, untel sur le rap français en particulier, tel autre sur les musiciens belges… comprenant que puisqu’il devenait impossible de couvrir un scope complet, il valait mieux se spécialiser et engranger les pages vues auprès d’une ligne de fan, comme il existait jadis des lignes de produit. C’est depuis cette époque aussi qu’avec Benoît chez Benzine on cherche à dynamiser notre petite équipe, pour augmenter à la fois le confort de lecture, la rapidité de communication sur des bons groupes en phase ascendante, et une petite équipe dont le bénévolat rebute parfois dans la régularité des contributions.  C’est depuis cette époque aussi, que je me fais souvent rappeler à l’ordre par les labels qui nous contactent, parce que forcément, je suis toujours en retard d’une écoute, d’un bon coup, d’un newcomer.

Cette pléthore de sorties est difficile à gérer et ADA vient d’illustrer le désarroi de plein de fanzines, même si on se le cache souvent derrière le plaisir d’écouter des titres généralement bons. Cette offre pléthorique est ressentie aussi par le grand public, qui (et je suis sûr que c’est aussi un facteur de la baisse des ventes d’albums) n’a plus les moyens ou l’envie de céder au « fétichisme » autour d’un groupe déjà dépassé, ou dont le second album s’avère une bouse sans nom.

Ecouter et apprécier oui, aduler non. J’ai souvent mis sur le compte du « c’était mieux avant » de vieux con, mon impression diffuse de ne plus m’être enthousiasmé depuis longtemps pour un groupe pop et rock (pourtant mes préférés) comme j’ai pu le faire à l’époque pour les Cure, les Stone Roses, Pavement, Blur, Pulp ou même les Strokes et Bloc Party. Je me demande maintenant dans quelle mesure la « remplaçabilité » d’un groupe par un autre un peu meilleur, un peu différent, n’est pas en train de transformer le rapport à la musique et rendre caduque la notion même d’adhésion de masse pour un groupe populaire en une multiplicité d’adhésion de foule à des groupes de niche.

Un bon groupe de niche

Maintenir le cap de critiques généralistes, mais indé, pour le monsieur tout le monde Pop dans son ensemble (comme les Inrocks ou Magic et R&f dans leur créneau) est à la fois de plus en plus dur à continuer avec pertinence dans une volonté de couvrir TOUT le spectre des albums ou groupes potentiels, mais me semble aussi devenir de moins en moins en phase avec les attentes des lecteurs eux-mêmes

Je me trompe peut-être mais je veux y voir des signes à la fois dans la « démission » de Gérald from ADA, le côté de plus en plus fade rencontré dans ma lecture des Inrocks ou la sensation d’être roulé par les couvertures « groupe du mois » de mon favori Magic. Une hype remplace l’autre et un bon groupe remplace un autre bon groupe sans jamais rencontrer, ou si peu, le fétichisme quasi autiste des concerts de Cure qu’on préparait au khôl ou de Nirvana et Pavement à la chemise de bûcheron.

Un côté grand messe perdue, que je ne vois pas loin de là comme une des conséquences du rôle de filtre perdu par les maisons de disque (je n’ai pas le respect suffisant pour les majors qui me feraient accroire qu’ils triaient le bon grain de l’ivraie et c’est pour ça qu’on adulait en masse), mais comme une conséquence de l’accès à de multiples stimuli, de multiples enregistrements, diluant d’autant nos amours musicaux.

Un côté grand messe qu’on ne trouve plus qu’au sein de niches. Les ados avec les miraculés Indochine ou Tokio Hotel en sont les caricatures, les métalleux avec plein de groupes que je ne parviens plus à écouter au décorum et aux codes super précis… Autant de niches créant leurs icônes, leur habitus (dirait Bourdieu), leurs sociolectes et leurs messies de caste. Autant de niches qui rendent compliqué l’adhésion nécessaire à la vente de magazines tels les Inrocks ou Magic, les forcent à parfois se créer des stars du jour qui favorisent l’envie de lecture.

Des niches qui se créent sur des thématiques musicales, ou sur des personnalités de blogueurs, découvreur. Depuis une paire d’année, je constate que les blogs qui tournent autour d’une identité (et nombre de compères chez benzinemag en font partie), d’un chroniqueur se développent et gagnent un lectorat sans cesse croissant.

Un album mis en avant par Withoutmyhat ou le choix.fr encensé par eux, aura plus de chance de faire un joli carton au sein de sa communauté de lecteurs qui échangent avec ces blogueurs en nom propre, que des critiques régulières d’un maximum d’albums tel que benzine, popnews, ada, et les historiques peuvent le faire. On est passé de l’information globale au besoin de tri. Un tri qui se fait par le style de musique ou via la comparaison avec celui qui sert d’entremetteur.

Un rôle que peuvent se donner certains blogueurs, mais qui sied mal au fonctionnement de certains blogs, et qui peut faire enrager les labels condamnés à poster des des CD à la pelle, avec de moins en moins de garantie de sortir chroniqué (ce qui explique aussi pourquoi ils sont en train massivement de passer à l’envoi de MP3).

Des niches qui imposent aussi certains webzines à marcher ou crever (sous peine de disparaître en pagerank 6), à ne pas oublier les artistes avec notoriété dans chacune des niches (pour crédibiliser le site) et provoquent des démissions somme toutes logiques quand l’activité de veille / découverte se greffe sur des professions, des vies de famille etc. qui requièrent la plus grande partie de nos attentions.

Si le désarroi existe pour les webzines on ose à peine imaginer le bordel dans les labels

CC par Tsuki-chama sur FlickR

Or donc voilà que la niche domine les comportements d’achat éventuel. On le constate en bout de chaîne, quand il s’agit de parler des sorties. On se représente aussi du coup la difficulté pour tout le petit écosystème de la promotion au sein des labels et autre PR qui gravitent dans l’univers.

Il y a de plus en plus d’artistes à promouvoir, dans de plus en plus de niches. Et il n’y a pas encore de facto, d’unité de mesure ni de l’influence, ni du potentiel d’une niche.

J’imagine le RP au moment de sélectionner les 100 chroniqueurs potentiels à qui envoyer une version jolie d’un disque à promouvoir vs la version MP3 du même album ? Comment choisir ? Celui qui fait le plus de lectorat. Comment sélectionner un référent à choyer  pour un type d’artiste à promouvoir. Un magazine qui cartonne au tirage ou un blogueur influent auprès des émo-rockeurs d’ile de France, férus de ska et de punk écolo en provenance de Denver.

Où accorder l’interview ? Qui envoyer en concert ? Où se cachent les leviers qui remplissent les salles et /ou achètent du merchandising et du CD ?

Un casse-tête. Il existe peu, me semble-t-il d’analyse marketing concernant le positionnement de produit dans une niche définie et le retour qu’on peut espérer de micro écosystèmes, comparativement à de larges foules.

Seule reste le doute, la fuite en avant, et les démissions. Le changement de cap de ADA est assurément un témoignage d’un monde qui vient de se terminer.

On attend que se définissent les règles précises du monde à venir.

> Article initialement publié sur le blog d’Emgenius

]]>
http://owni.fr/2010/04/13/chroniqueur-pop-fin-dun-monde-et-retour-a-la-niche/feed/ 3
Le gouvernement russe va développer son propre moteur de recherche http://owni.fr/2010/04/10/le-gouvernement-russe-va-developper-son-propre-moteur-de-recherche/ http://owni.fr/2010/04/10/le-gouvernement-russe-va-developper-son-propre-moteur-de-recherche/#comments Sat, 10 Apr 2010 19:30:26 +0000 Gregory Asmolo, traduction Fabienne Der Hagopian http://owni.fr/?p=11966

Photo CC Flickr g-na

Baptisé “Kremlyandex”, ce projet intrigue : quelles sont les motivations du gouvernement, alors que la concurrence est déjà bien étoffée ?

[Les liens sont en russe sauf mention contraire] Le gouvernement russe va développer un moteur de recherche.  Le journal RBC-Daily qui a publié cette sensationnelle nouvelle à la une a déjà baptisé le futur moteur de recherche “Kremlyandex” et a annoncé qu’il pourrait être disponible en ligne d’ici un an. L’inspiration pour ce nom est le populaire moteur russe Yandex.ru et le mot Kremlin. Jusqu’à présent, les principaux concurrents de Yandex sont Google, Rambler et Mail.ru. Selon Liveinternet.ru, Yandex domine le marché de la recherche en ligne en Russie avec 63,5% d’utilisation.  Environ 21 % des Russes utilisent Google, tandis que Rambler et Mail.ru sont au coude à coude aux troisième et quatrième places.

Il ne semble pas que les internautes russes manquent d’options pour chercher des informations en ligne. D’après RBC-Daily, l’idée de développer un moteur de recherche russe, alors que le Net en langue russe est déjà bien équipé en matière de solutions de recherche, vient de Vladislav Surkov, le vice-chef de l’administration présidentielle, qui est considéré comme l’idéologue du Kremlin.  Le journal ne donne que quelques explications sur les motivations de ce projet.

Premièrement, le gouvernement russe veut avoir un moteur de recherche qui n’appartienne pas à une société étrangère (Yandex appartient à la société Yandex N.V. basée aux Pays-Bas). Deuxièmement, le nouveau système répondra aux besoins du gouvernement.  Il donnera accès à de l’information sécurisée, tandis que le contenu interdit sera bloqué.  D’après les sources de RBC, dans les deux cas, la motivation est de nature politique puisque “le gouvernement aura un moteur de recherche relativement sécurisé avec des opérateurs qui lui seront loyaux.”

Un budget de 100 millions de dollars

RBC précise que le projet a un budget de 100 millions de dollars et est développé par le Ministère de la Communication russe en coopération avec des sociétés de télécommunications privées basées en Russie.  Une autre source rapporte que le Kremlin avait envisagé d’acquérir un des moteurs existants mais a finalement décidé de développer le sien.

La publication de la nouvelle a soulevé une large discussion parmi les experts et les blogueurs.  La plupart d’entre eux demandent pourquoi le web russe aurait besoin d’un moteur de recherche gouvernemental.  Il est évident qu’un tel moteur pourrait être un outil de censure, en mettant en avant des contenus pro-gouvernement tout en réduisant la visibilité des sites de l’opposition.  Malgré tout, les experts soutiennent que le principal défi n’est pas de développer un moteur de recherche mais plutôt de le rendre populaire alors que les internautes russes peuvent déjà choisir entre Yandex, Google et Rambler.

Alexander Amzin, expert Internet de Lenta.Ru, écrit :

Представьте себе, что железнодорожная сеть России была бы создана частными компаниями. Имело бы смысл государству строить свою, дублирующую? Нет, это огромные затраты, гораздо проще добиться целей законодательным регулированием. <…>

По рельсам Яндекса, Рамблера и Гугла ежедневно “ездят” миллионы человек. Представим, что рядом прокладывают государственные пути с невнятной бизнес-моделью (реклама?) и целью существования. На продвижение этих вторых рельсов тратятся средства налогоплательщиков. Но, что характерно, госрельсами никто не пользуется, потому что частники пестовали свою железнодорожную сеть с десяток лет. Они про это понимают все. Государство тут чужое. Число успешных государственных интернет-проектов, мягко выражаясь, невелико.

Imaginez que le réseau de chemin de fer en Russie ait été créé par des sociétés privées. Cela aurait-il du sens pour le gouvernement de créer le sien?  Non, cela coûte très cher et il est plus simple d’atteindre cet objectif par des règlementations. […]
Des millions de gens “prennent” chaque jour les réseaux de Yandex, Google et Rambler. Imaginez que juste à côté il y ait le réseau gouvernemental avec un modèle économique peu clair (publicité ?) et une raison d’être nébuleuse.  Ils dépensent l’argent des contribuables pour construire ce deuxième réseau.  Mais comme d’habitude ici, personne n’utilise le réseau du gouvernement parce que des hommes d’affaire du secteur privé ont développé leurs propres réseaux depuis des décennies. Ils connaissent toutes les ficelles. Le gouvernement débute dans ce secteur. Le nombre de projets gouvernementaux qui sont des succès est, pour dire le moins, réduit.

“Convaincre des dizaines de millions de gens de tout abandonner et de passer à une plate-forme gouvernementale n’est pas plus facile que d’organiser une révolution”, conclut Amzin.

Comment le rendre populaire ?

Les blogueurs de la plateforme Livejournal avancent deux mobiles principaux à cette décision : la censure politique ou le blanchissement d’argent.  Vzav, par exemple, écrit :

Вот честно, не понимаю – нафига?
Зачем создавать то, что заведомо будет хуже уже существующих сервисов?
Идея тотального контроля? Так он есть.
Национальное самолюбие? Так оно не так достигается.
Деньги отмывают? Так ведь шито все белыми нитками…
Зачем тогда?/p>

Je ne comprends pas vraiment le pourquoi. Pourquoi créer quelque chose qui sera pire que les services qui existent déjà ? Est-ce une idée de contrôle total ?  Mais nous l’avons déjà.  Est-ce une question de fierté nationale ?  Ce n’est pas le moyen d’y arriver.  Est-ce du blanchissement d’argent ? Mais dans ce cas, ce n’est pas discret de le faire de cette manière.  Pourquoi, dans ce cas ?

dmadload, sur LiveJournal, évoque comment le moteur Kremlyandex pourrait devenir un moteur populaire :

Поскольку Гугл, Яндекс и Рамблер по-прежнему выводят неугодные единственно правильной политической партии результаты, они со временем (до марта 2012 года) будут выведены с легального положения. Как известно,  России 2 народа: один пользуется интернетом, а второй ходит на выборы. Дабы первый не соблазнял второй голосовать против ЕР, нужно его лишить мест публичного сбора и обмена мнениями. Яндекс и другие политически вредные поисковики нужно закрыть. Таким образом множество неугодных сайтов падут в небытие.

Fermer les moteurs politiquement néfastes ?

Puisque Google, Yandex et Rambler continuent à fournir des résultats de recherche qui ne sont pas favorables uniquement au grand Parti Russe, ils seront graduellement mis hors la loi d’ici à mars 2012 [période des prochaines élections présidentielles].  Comme nous le savons, il y a deux sortes de personnes en Russie – ceux qui utilisent Internet et ceux qui vont voter.  Pour éviter de se trouver dans une situation où le premier groupe tenterait le second de voter contre Edinaya Rossiya [parti au pouvoir], il faut que le premier groupe perde son forum d’expression et de réunion. Yandex et les autres moteurs de recherche politiquement néfastes devraient être fermés.  De cette manière, beaucoup de site de l’opposition disparaîtront dans le néant.

Lead_and_aether écrit :

Ещё можно обязать Яндекс (Рамблер не рассматриваю) использовать движок этого кадавра, а Гугль с Бингов забанить в Кремлёвском Государственном Брандмауэре (КГБ для краткости). И придёт щастье и советские газеты на каждый стол!

Il est possible de forcer Yandex (je ne parle même pas de Rambler) à utiliser ce moteur de recherche en particulier, et de bannir Google et Bing derrière les pare-feux gouvernementaux du Kremlin (KGB, en abrégé).  Et il y aura du bonheur et des journaux soviétiques à toutes les tables.

Tygro écrit sur LiveJournal :

…правда, думаю, всё как всегда, сведётся к банальному освоению средств и распилу казённых денег…

… Je crois que tout cela, comme d’habitude, se conclura en fraude et détournement de fonds gouvernementaux…

Un cadre du pôle Internet du groupe de Radio-Télévision gouvernemental (VGTKR), Askar Tuganbaev, a confié à Svobodnaya Pressa que le moteur de recherche russe, comme le système national d’infrastructures, devraient aider le gouvernement à réguler l’Internet.  D’après Askar Tuganbaev, tous les employés du gouvernement, les universités et les écoles devront utiliser les solutions russes pour Internet.  Si c’est le cas, le nouveau moteur deviendra la page d’accueil de tous les fonctionnaires et étudiants russes.

Victor Galenko, vice-directeur de la société Finam, partage ce point de vue.  Dans un entretien avec Svobodnaya Pressa, il a déclaré :

Это может быть элементарным капризом Путина или Медведева, а 100 млн долларов в масштабах государства – деньги небольшие. Какую-то долю на внутреннем рынке они все равно займут, пусть 5-10%. <…> Например, обяжут все государственные организации пользоваться только этим поиском. <…> Я думаю, это будет не только поисковик, там будет привязана еще и почта, которую граждане РФ смогут сделать официальной, чтобы получать различные документы. Каждый россиянин может быть принудительно затянут туда. Это единственная идея, которая сможет продвинуть проект.

C’est peut-être un caprice de Putin ou Medvedev. 100 millions de dollars n’est pas somme énorme pour le gouvernement.  Et le moteur de recherche peut occuper une niche dans le marché, quelque chose comme 5-10 %.  Ils peuvent exiger que les administrations gouvernementales n’utilisent que ce moteur.  Je pense que ce ne sera pas seulement un moteur de recherche mais aussi un service de courrier électronique pour envoyer des documents officiels aux citoyens russes. Les Russes devront s’en servir.  C’est le seul moyen de promouvoir ce projet.

Un composant du futur “Kremlinet” ?

Il semble que la Russie se dirige vers l’idée d’un État qui créé non seulement des services d’administration électronique mais également des environnements entiers conçus par le gouvernement.  Auquel cas, “Kremlayndex” serait un composant seulement du futur “Kremlinet” qui se développerait à l’intérieur du web russe, en utilisant ses soi-disant ressources administratives pour écarter ses concurrents du secteur privé.

Au fait, un anonyme avec de l’humour a été plus rapide que le Kremlin…Le nom de domaine Kremlyandex.ru est déjà enregistré.  Quelqu’un y a construit une page web qui ressemble à la page d’accueil du moteur de recherche Yandex.  Mais si vous tapez quoi que ce soit dans la barre de recherche, vous serez dirigé vers le site du parti au pouvoir, Edinaya Rossiya.

Billet initialement publié sur Global Voices

]]>
http://owni.fr/2010/04/10/le-gouvernement-russe-va-developper-son-propre-moteur-de-recherche/feed/ 0
Les deux attentats du métro de Moscou sur les blogs russes http://owni.fr/2010/03/29/les-deux-attentats-du-metro-de-moscou-sur-les-blogs-russes/ http://owni.fr/2010/03/29/les-deux-attentats-du-metro-de-moscou-sur-les-blogs-russes/#comments Mon, 29 Mar 2010 18:28:11 +0000 Alexey Sidorenko (trad. Claire Ulrich) http://owni.fr/?p=11116 Les blogs se sont montrés particulièrement réactifs après les attentats de Moscou de ce lundi matin. Avec les portails d’information, ils ont pris le relais des médias traditionnels. Une séquence racontée par Alexey Sidorenko, pour Global Voices.

15693421_7f64ddf340_o

Photo par Vanity Press sur Flickr

capture-de28099ecran-2010-03-27-a-2253072La routine d’un lundi matin à Moscou a été brisée par deux attentats à la bombe dans le métro [en anglais], qui ont fait au moins 38 victimes et 70 personnes (beaucoup des victimes sont des étudiants ou des personnes de moins de 40 ans).

Les attentats ont été commis par deux femmes, que l’on présume affiliées au mouvement des Rebelles du nord-Caucase [en anglais]. Les blogueurs russes ont été parmi les premiers à annoncer cette tragédie, et sont devenus les seuls médias accessibles, les grands sites d’informations russes étant mis hors jeu par l’afflux de visiteurs et les chaines de télévision étant longues à réagir.

Sur Twitter,  Krassnova remarque[russe], que le mot-clé #metro29 a été cité 40 fois par seconde tandis que les chaines de télévisions ont proposé de leur côté quatre flash. En moins de deux heures, un site dédié, metro29.ru, a été lancé pour couvrir les événements.

L’un des premiers blogueurs à avoir publié la nouvelle a été Marina Litvinovich (abstract2001 sur LiveJournal), une militante de l’opposition, qui a publié des photos de la station de métro Loubianka [russe], où la première explosion a eu lieu :

Lobby of "Lubyanka" Subway Station, photo by abstract2001

La station “Loubianka”, photo de abstract2001

Voici aussi une vidéo sur YouTube de l’évacuation des passagers à la station Park Kulturi où la seconde explosion a eu lieu, publiée par baranovweb [Attention: certaines des images contenues dans cette vidéo peuvent choquer] >

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les réseaux de communication se sont totalement arrêtés ensuite. Alors que les Moscovites terrorisés essayaient d’obtenir des nouvelles de leurs proches ou amis, le réseau de téléphone mobile au centre de Moscou a cédé. Sur LiveJournal, offnet accuse une procédure bureaucratique de cette rupture du réseau de téléphonie mobile ; elle requiert la mise en place d’un répétiteur supplémentaire, même dans les situations extrêmes. Sur Habrahabr, rubyrabbit a publié une liste complète des sites d’informations qui ont plongé dans le noir.

La ligne de métro Sokolnicheskaya (rouge) a été totalement fermée par les enquêteurs. Des blogueurs ont publié une vidéo de la panique des passagers à la station Komsomolskaya. Les Moscovites ont préféré ne plus descendre dans le métro, même si certaines lignes fonctionnaient encore. Le très populaire blogueur Nikolay Danilov (nl sur LiveJournal) a publié des photos de la foule des travailleurs préférant marcher jusqu’à leur lieu de travail.

Muscovites getting to their workplaces, photo by Nikolay Danilov (nl)Photo de Nikolay Danilov (nl)

Les chaines de télévision n’ont pas seulement été lentes à réagir, mais sont aussi accusées de ne pas avoir accordé aux attentats et à l’urgence la place qu’ils méritaient. Un autre blogueur russe connu, Anton Nossik ( dolboeb sur LiveJournal), écrit [en russe]:

в 12:00 по Первому каналу начался плановый выпуск новостей. Не спеша, рассказывают о взрывах метро в Токио (1995), Баку, Париже, Дюссельдорфе, Лондоне, о соболезнованиях Януковича, депутатов Верховной Рады, Ангелы Меркель, передают заявление Бернара Кушнера. Затем скороговоркой дали recap, довольно чёткий, всех основных событий в Москве, длиной в полторы минуты: 35 погибших, 70 раненых, метро не ходит от Комсомольской до Спортивной, в центре города пробки, правительство требует усилить безопасность всех российских аэропортов. На минуту включили Тимура Серазиева с Лубянской площади, и тут же пошла реклама здоровой пищи, пепси-колы, какого-то Антистакса, шоколада «Вдохновение», сока «Любимый»,синтетических моторных масел Mobil1, средства для мытья окон, нового йогурта «Яблоко Мюсли», Афобазола от тревоги и напряжения, кофе Jakobs Monarch, хлопьев от Nestle с цельными злаками. Каждый из роликов был длинней прямого включения с Лубянки. После завершения семиминутной рекламной паузы досрочно началось часовое ток-шоу «Участок».

“A 12h00, Channel One a commencé à diffuser ses programmes habituels. Sans se presser, ils nous ont raconté les attentats dans le métro de Tokyo (1995), Bakou, Paris, Düsseldorf, Londres, ont communiqué les condoléances du [président de l'Ukraine Victor Yanukovich], puis celles des députés ukrainiens, puis celles d’Angela Merkel et Bernard Kouchner.

Ensuite, très succinctement, ils ont diffusé un court bulletin de tous les événements en cours à Moscou, qui durait une minute et demie : 35 morts, 70 blessés, le métro ne fonctionne plus entre Komsomolskaya et Sportivnaya, il y a des embouteillages au centre-ville, le gouvernement demande de multiplier les contrôles de sécurité dans tous les aéroports russes.

Pendant quelques secondes, un de leurs reporters, Timur Seraziev, est apparu à l’image depuis la place Loubianka, puis ils sont passé aux publicités pour des nourritures saines, Pepsi, Antistax, le chocolat Inspiration, le jus de fruit The Loved One, l’huile synthétique Mobil1, un produit pour laver les carreaux, le nouveau yaourt muesli-pommes, Afobazol – un médicament contre l’anxiété et le stress -, le café Jacobs Monarch, les cornflakes au blé entier Nestlé. Chacune des pubs était plus longue que le reportage en direct depuis Loubianka. Après une pause publicitaire qui a duré sept minutes, ils ont diffusé un talk-show qui n’était pas programmé, “District.” “

Les blogs et les portails d’information ont permis de combler le déficit d’informations.

Le portail lifenews.ru a publié une galerie de photos dont des photos des wagons de métro soufflés par l’explosion [Ndt : attention, certaines photos peuvent choquer]. Sur LiveJournal,  seg_oégalement publié des photos de la zone de la station de métro Parc Kulturi.

La BBC et the Guardian ont ouvert sur leur site une page spéciale pour que les lecteurs puissent contribuer à l’information - LiveBlog [en anglais] et Live Coverage [en anglais] – et ont couvert les principaux événements. La plateforme de blog LiveJournal a ouvert un canal spécial [en russe] dédié aux attentats. Ci-dessous, des messages publiés par ceux qui ont survécu aux attentats :

oyolin:

Я работаю на Лубянке. В школе. Начинаю работать в 8. В 7.50 я приехала на Кузнецкий Мост. Хотела перейти на Лубянку, но там всё было в думу, людей не пускали. Вышла через Кузнецкий Мост. На Лубянской площаде сразу же всё перегородили, приехали спасатели. На работе до сих пор кризисная ситуация. Родители звонят, беспокоятся, мамы плачут. Это ужасно.

“Je travaille à Loubianka. A l’école. Je commence à 8 heures. A 7h50 je suis arrivé à la station Kuznetsky Most. Je voulais changer de ligne et prendre Loubianka, mais tout était plein de fumée, les gens n’avaient pas le droit d’entrer. Je suis sorti à Kuznetsky most. Sur la place Loubianka ils ont tout bloqué, les équipes de secours sont arrivées. Nous sommes en pleine crise ici au travail. Les parents appellent, ils sont très nerveux, les mamans pleurent. C’est horrible.”

kotikeksik:

Время 14.40. Я только-только собрала в кучу голову. Меня перестало трясти, когда я встаю со стула, и я больше не плачу. Пытаюсь заставить себя поработать.

“Il est 14h40. je viens juste de réussir à me reprendre. Je ne tremble plus quand je me lève de la chaise, je ne pleure plus. J’essaie de m’obliger à travailler.”

davete:

Выхожу на Парке Культуры. Поднимаюсь уже было к выходу. Рядом идут сотрудники милиции. К ним обращается какая-то женщина:
-Что случилось то?
-Ой, да авария какая-то, технические причины.
В эту же секунду прогремел взрыв.
Противоположный от моего поезд, по направлению к станции Кропоткинская.
Взорвался где-то в середине.
Людей было не много, давки не было. Но взрыв очень мощный. Не сомневаюсь, эта бомба – военного стандарта.

“J’étais en train de sortir de la station Parc Kulturi. Des agents de police marchaient à coté de moi. Une femme leur a demandé :
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Eh bien, un accident, raisons techniques.
Et c’est a ce moment-là qu’à eu lieu l’explosion. Sur le train qui partait dans la direction opposée, vers la station Kropotkinskaya. Il a explosé vers le milieu. Il n’y avait pas tant de gens, pas de bousculade. Mais l’explosion a été très puissante. Pas de doutes, cette bombe était une bombe de type militaire.”

]]>
http://owni.fr/2010/03/29/les-deux-attentats-du-metro-de-moscou-sur-les-blogs-russes/feed/ 2
Lutter contre la Cyber-Censure http://owni.fr/2010/03/12/lutter-contre-la-cyber-censure/ http://owni.fr/2010/03/12/lutter-contre-la-cyber-censure/#comments Fri, 12 Mar 2010 15:18:56 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=9961

Ce vendredi 12 mars met en avant lors de la journée mondiale de lutte contre la cyber-censure, la bataille pour la liberté d’information. Depuis que le Net s’ouvre au monde, les pays les moins démocratiques ou ceux se prétendant démocratiques tendent à renforcer le contrôle sur l’information. Face à ces états censeurs, dictatoriaux ou fut un temps réellement démocratiques, il appert que la capacité de mobilisation des net-citoyens, des anarnautes, des tenants de la Netopie, s’accroît en faisant tomber les frontières des états.

Chaque citoyen soumis à la censure ou que les états veulent faire taire devient un relais d’informations permettant au monde entier d’être mis face aux dérives des régimes autoritaires, il n’est qu’à penser à la Révolution Twitter en Iran… Malheureusement, quelques rares pays, la Corée du Nord, la Birmanie, le Turkménistan voire Cuba coupent totalement l’accès au Web prétextant un manque de moyens techniques et un moindre développement des infrastructures. De fait, nous assistons à une explosion du marché noir des télécommunications, notamment à Cuba, en Chine ou en Corée du Nord…

censure

Le marché de la construction des prisons devrait aussi s’accroître puisque près de 120 blogueurs, internautes, cyberdissidents sont enchristés pour avoir eu la désobligeance de s’exprimer librement.

- Au Maroc, pays ami de la France, le délicieux Mohammed 6, pire encore que son père, mais n’ayant pas encore systématisé la surveillance du Web, maintient en détention un blogueur et un propriétaire de cybercafé pour avoir permis la publication ou publié des propos anti-Mohammed 6, notamment sur la répression d’une manif ayant mal tourné.

- Adnan Hadjizade et Emin Milli, blogueurs Azerbaïdjanais sont sous les verrous pour avoir tourné en dérision les autorités locales et les avoir ridiculisé dans une vidéo sur You Tube.

- Au Yémen, quatre journalistes sont actuellement derrière les barreaux pour des raisons similaires…

Et la liste pourrait être longue encore des exactions commises sous couvert politique. RSF publie donc ce rapport à l’occasion de cette journée de lutte et rallonge également la liste des pays ayant mis le Web sous surveillance : la Turquie et la Russie en font dorénavant partie.

iran-tweets2

Si seuls les régimes autoritaires étaient initiateurs de cette surveillance du Web, les pays libres les rejoignent et les moyens de surveillance évoluent. Censure et intimidations, pressions étatiques et légales se démultiplient… 60 pays censurent « officiellement » le web en 2009, soit deux fois plus en qu’en 2008…

Filtrage, fichage, fermeture de blogs, de sites de dissidents, d’opposants aux régimes de ces 60 pays… les moyens techniques se mettent au service de la volonté de faire en sorte que le Web la ferme purement et simplement. Arrestation torture, intimidation des journalistes, des dissidents, des blogueurs, des entourages (notamment au Maroc), des familles…

RSF précise que « Les plus grandes prison du monde pour les net-citoyens sont la Chine, largement en tête avec 72 détenus, suivie du Viêt-nam et de l’Iran, qui ont lancé ces derniers mois des vagues brutales d’arrestation. »

Quand la démocratie censure…

Si l’on évoquait jusqu’alors les dictatures, monarchies absolues et autres régimes staliniens, ceux-ci ne sont pas les seuls à vouloir surveiller le Net. La Corée du Sud tente de mettre un terme à l’anonymat sur la toile, l’Australie est en train de se doter d’un système de filtrage total du Web.

Au niveau supranational, les discussions actuelles menées sous secret défense par 39 états ne vont guère aller dans le sens des anarnautes, des opposants. ACTA destinés à lutter contre la contrefaçon se négocie sans la moindre concertation avec les ONG, sans aucun rapprochement avec les acteurs du Web. La Communauté européenne à beau s’opposer à cette confidentialité par un vote très largement majoritaire, les passions ne s’apaisent pas face à un accord qui pourrait instaurer la surveillance du Web dans 39 pays dont on prétend qu’ils sont démocratiques. Ces mesures liberticides potentielles passeraient par un filtrage du Net sans qu’aucune décision de justice n’ait à être prise.

rsf

Les législations répressives sont de plus en plus systématiques : Jordanie, Irak, Kazakhstan, Australie, Grande-Bretagne, France… cette liste est longue et peut inquiéter… Voir accoler dans une même liste des états totalitaires et des démocraties ne laisse guère planer de doutes quant aux volontés de contrôle que tout état veut sur cet espace de liberté qu’est le Web.

Face à ces volontés sécuritaires, le rapport de RSF précise cependant que « En Finlande, le décret n°732/2009 fait de l’accès à Internet un droit fondamental pour tous les citoyens. En vertu de ce texte, chaque foyer devra bénéficier d’une connexion d’au moins 1 mégabit par seconde au 31 juillet 2010. D’ici 2015, elle devra être d’au moins 100 mégabit par seconde. De son côté, le Parlement islandais examine à l’heure actuelle une proposition de loi ambitieuse, “Icelandic Modern Media Initiative” (IMMI), destinée à protéger les libertés sur Internet, en garantissant la transparence et l’indépendance de l’information. Si elle est adoptée, l’Islande deviendrait un paradis cybernétique pour les blogueurs et les citoyens journalistes »

Les blogueurs s’associent…

Partout sur la planète Web, les associations de blogueurs se développent en cyber-mouvements de lutte, d’échanges de fichiers, de techniques permettant aux iraniens d’utiliser des proxies destinés aux dissidents chinois, etc. Idem dans les 60 pays de la liste RSF… la résistance sur le Web s’organise. Et la résistance, ça marche ! En Russie, le média le plus libre est le Net, en Italie, on n’en est pas loin malgré les tentatives de Berlusconi de faire taire les blogueurs opposants, en France non plus, nous n’en sommes pas très loin ! RSF précise aussi que « L’Arabic Network for Human Rights Information estime à 10 000 le nombre de blogs actifs, en arabe et en anglais, dans le pays. ». Les trônes dictatoriaux se fragiliseront… gageons le.

Cette journée de lutte contre la cyber-censure ne doit en aucun cas être une mobilisation d’une journée, elle doit être un combat de chaque jour où les démocrates, à défaut des démocraties, doivent soutenir les dissidents, les opposants enchristés pour avoir voulu défendre leurs libertés fondamentales, leur liberté d’expression.


Photo par Cayusa (CC-by-nc)

]]>
http://owni.fr/2010/03/12/lutter-contre-la-cyber-censure/feed/ 13
Le blog : forme majeure http://owni.fr/2010/03/08/le-blog-forme-majeure/ http://owni.fr/2010/03/08/le-blog-forme-majeure/#comments Mon, 08 Mar 2010 14:36:51 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=9643 blogtcrouzet

Un blog n’est pas nécessairement un ramassis de textes insignifiants et qui ne se suivent pas. Laissons le temps passer et je suis persuadé que les textes les plus importants du début du XXIe siècle auront tous été publiés dans des blogs, tout au moins en ligne en échappant au circuit de validation de l’édition traditionnelle. Et non pas comme des billets uniques mais comme de longs chapelets de perles qui se reflètent les unes les autres.

Tout d’abord, cette idée qu’une œuvre doit être achevée pour atteindre le summum de la création. Et La recherche du temps perdu, encore en chantier à la mort de Proust ? Et la correspondance de Flaubert écrite pour ne pas être publiée en tant que livre et qui forme le plus grand livre de Flaubert ? Et Pessoa qui entassé ses manuscrits dans une caisse ? Et les journaux intimes des écrivains, souvent écrits avec l’idée qu’ils seront publiés, mais presque jamais retravaillés. Achever un travail ne l’auréole pas de prestige. L’effort supplémentaire peut même tuer l’œuvre.

Et puis tous ces écrivains du passé qui ont travaillé comme les blogueurs aujourd’hui. Je pense à Witold Gombrowicz avec son journal, dont il publia semaine après semaine les pages. Jamais il n’avait une vue d’ensemble de l’œuvre. Il s’éparpillait souvent. Se répétait. N’empêche son journal est un des livres qui m’a le plus marqué. Je ne vois pas pourquoi un blogueur n’aurait pas la même ambition, quitte à retravailler ses billets a posteriori.

Vrai que Gombrowicz aussi n’a jamais vécu de sa prose, pas plus que Proust et Flaubert. Mais on s’en moque et nous n’allons pas en faire une fatalité. Je prends l’exemple de mon ami Pacco. Il blogue et maintenant il publie des livres. Pour moi, dans ton blog, tu innoves bien plus que sur le papier. Tes planches en hauteur, tes meilleures, impossible sur le papier. Là, tout est reformaté, non pour être sublimé, mais pour revenir dans une norme ancienne. L’innovation en BD elle est en ligne. Je préfère lire ton blog, que tu juges un genre inférieur à tes livres. Le temps que tu passes à les packager, tu ne le passes pas à bloguer et donc à nous réjouir. Tu me diras, si tu n’avais pas tes livres, tu passerais ton temps à faire autre chose (ce maudit marketing) et peut-être que tu bloguerais moins. C’est le bug : nous nous contentons du moins pire. Je ne suis pas d’accord. Pendant ce temps, Google et d’autres se gavent sur ce que nous donnons gratuitement à nos lecteurs. Notre travail n’est pas perdu pour tout le monde.

Fabriquons des produits si nous en avons le désir mais pourquoi faudrait-il s’imposer cet exercice alors que nous avons un public en ligne ? Je vais d’ailleurs me flageller. Hier, un commentateur a posté un commentaire pour tout de suite l’effacer. Voici ce qu’il disait.

Selon moi, vous feriez mieux de passer votre chemin devant la carrière d’écrivain. Vous ne le serez jamais à moins de monter votre propre maison d’édition et de publier d’autres auteurs que vous pour finir les fins de mois. Et là je parle en connaissance de cause car j’ai eu l’occasion (malheureuse) de lire il y a très longtemps un de vos manuscrits “Moi Je”. Pathétique ! Je constate que votre style n’a vraiment pas changé même si vous ne faîtes plus de d’abus du “toutefois” et “cependant”. Le blog vous a sans doute sauvé de la frustration. Cessez de pester contre les éditeurs littéraires. Ressortez la barque de votre père et allez pêcher des anguilles devant chez vous.

Que de paradoxes dans ces quelques lignes. Vous mes lecteurs n’avez donc aucun goût, aucun sens de la mesure, vous vous abaissez dans les égouts de la littérature.

En résumé, vous êtes des lecteurs sans qualité, méprisables. Comme je reste punk, ça me convient plutôt j’avoue… mais vous imaginez combien je suis énervé par cette intervention. Tout d’abord l’idée, jamais loin, que pour être écrivain il faut boucler ses fins de mois avec ses droits. Il se trouve que j’ai eu cette chance pendant plus de dix ans. Ça prouve quoi ? Rien. Aussi bien pour ceux qui gagnent que pour ceux qui ne gagnent pas.

Que penser de quelqu’un qui vous juge insignifiant et qui, plus de vingt ans après, se souvient de vous et vient vous envoyer une méchante pique ? Puis qui se ravise, peut-être par mauvaise conscience, je n’y crois même pas. N’est-ce pas plutôt une démonstration de ce qu’est le vieux monde de l’édition ? Une démonstration de ce mépris du blog ? Alors que nombre de blogueurs sont bien plus lus que n’importe quel écrivain intronisé par l’édition nombriliste. Je continue à me prendre en exemple.

Quand je ne donne pas dans le populisme, mon blog reçoit mensuellement 20 000 visiteurs uniques qui consultent en moyenne cinq billets (je ne compte pas les 5 000 abonnés au flux qui lisent par intermittences). Pas de quoi crier victoire. Je peux néanmoins me livrer à un calcul amusant (et débile). Supposons que mes billets équivalent à quatre pages d’un livre (certains comptent pour dix ou quinze). Mes lecteurs lisent chaque année 20 000*12*4*5 soit 4,8 millions d’équivalent pages papier de Crouzet, soit près de 20 000 livres de 250 pages (OK je ne sais pas s’ils lisent jusqu’au bout… mais je ne compte pas tous les lecteurs, ceux qui me lisent ailleurs que sur mon blog).

Ce calcul ne veut rien dire mais il montre qu’un blogueur n’a rien à envier à la plupart des auteurs publiés sur le papier. Les gens qui nous lisent en ligne ne sont pas plus cons que ceux qui lisent des livres. Ils ont parfois de la culture, souvent des exigences esthétiques. Nous leur devons le respect. Nous leur devons de pousser plus loin notre art. Nous leur devons de la franchise qu’ils nous rendent en retour.

Merde. Le blog permet de dire des choses importantes d’une manière qui ne convient pas au livre. Comment croyez-vous que Nietzsche aurait publié aujourd’hui Le gai savoir ? Parmi tous ces équivalents livres qui se diffusent chaque année, parions que se cachent les gais savoirs de demain.

PS : Si vous avez lu ce billet jusqu’au bout, vous avez lu l’équivalent de quatre pages livre de Crouzet. Allez savoir combien réellement les gens lisent de pages de BHL.

> Article initialement publié sur Le Peuple des Connecteurs

]]>
http://owni.fr/2010/03/08/le-blog-forme-majeure/feed/ 1
Internet stimule l’imbécilité http://owni.fr/2010/03/03/internet-stimule-l%e2%80%99imbecilite/ http://owni.fr/2010/03/03/internet-stimule-l%e2%80%99imbecilite/#comments Wed, 03 Mar 2010 11:30:47 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=9342 3648178346_7703e25f821-450x262

De nos jours, aux États-Unis. Pour avoir participé à un viol collectif, 7 mois de prison1. Pour un braquage à main armée, 18 mois. Pour l’enregistrement vidéo d’un film dans une salle, 24 mois2. Pendant que de plus en plus de gens dénigrent Internet, prétendent qu’il n’a aucune influence politique et sociale, les tribunaux dispensent des peines disproportionnées pour des délits survenus sur Internet. Dans le même temps, les gouvernements votent des lois pour réduire la liberté des internautes. N’est-ce pas paradoxal ?

Si Internet n’avait aucune importance, pourquoi faudrait-il légiférer à son sujet ? Pourquoi faudrait-il pénaliser des activités qui ne mettent en danger la vie de personne ? Pourquoi même faudrait-il en parler ? Mais si on en parle autant, n’est-ce pas que quelque chose couve ? Peut-être pas quelque chose qui a été prévu, mais quelque chose d’encore innommable.

Le viol, le braquage à main armé, le crime… n’effraient pas les structures de pouvoir. Elles les ont intégrés et même abondamment pratiqués au cours de l’histoire. Le piratage d’un film constitue, en revanche, une menace plus subversive. Il s’agit de manipuler l’information, de la transférer par des canaux alternatifs, des canaux qui échappent aux structures de pouvoir. Elles n’ont pas l’intention de se laisser contourner.

Alors Internet n’a aucun impact sociétal ? Par leurs réactions musclées, les gens de pouvoir me paraissent plus lucides que l’intelligentsia techno-sceptique.

Books

Dans son numéro de mars-avril, la revue Books titre en cover Internet contre la démocratie ? Bien sûr pour égratigner Internet. Je vais y revenir. Mais ne trouvez-vous pas étrange que ces revues papier qui peinent à cause d’Internet ne cessent de dénigrer Internet ?

Comment les prendre au sérieux ? Si Internet change un tant soit peu la société, leur modèle ne tient pas. Comment voulez-vous que ces journalistes soient objectifs ? Le rédacteur-en-chef de Books avoue d’ailleurs dans son édito que sa revue est loin de l’équilibre.

J’imagine ce qu’il pense : « Que ce serait bien si Internet pouvait se dégonfler, si on pouvait en revenir à l’ancienne économie du papier. Alors essayons d’entretenir cette idée d’un Internet malsain pour entretenir cette autre idée que les informations de qualité ne se trouvent que sur le papier. » Ce point de vue traverse le dossier de Books.

Vous allez peut-être vous demander si les défenseurs d’Internet sont eux-mêmes objectifs ? Si Internet se développe, nous gagnons par ricochet du prestige. D’un autre côté, nous aussi, surtout ceux qui comme moi vivent de l’écriture, nous ne gagnons rien à ce développement, il ne nous paie pas plus que les journalistes des magazines qui agonisent (et même moins). Si nous nous engageons pour Internet, c’est parce que nous croyons qu’il ouvre de nouvelles possibilités historiques. Nous le faisons, en tout cas je le fais, par militantisme.

Oui, nous sommes des militants, nous ne sommes donc pas objectifs, mais nous ne nous contentons pas du monde que nous observons. Nous voulons le transformer, l’orienter dans la mesure de nos moyens dans une direction qui nous paraît plus agréable (je reste vague au sujet de cet agréable pour laisser la place à une pluralité d’agréables).

La technique du Lone Wolf

Lors de cette brillante conférence, Alain Chouet nous explique qu’Al Qaïda est morte entre 2002 et 2004 :

Ce n’est pas avec un tel dispositif [une cinquantaine de terroristes vivant en conditions précaires dans des lieux reculés et avec peu de moyens de communication] qu’on peut animer à l’échelle planétaire un réseau coordonné de violence politique.

Preuve : aucun des terroristes de Londres, Madrid, Casablanca, Bali, Bombay… n’ont eu de contact avec l’organisation. Chouet nous présente tout d’abord la vision traditionnelle de ce qu’est une structure politique hiérarchisée. Pour agir à l’échelle globale, elle a besoin de liens fonctionnels. Il faut que des gens se parlent et se rencontrent et se commandent les uns les autres. Si ces critères ne sont pas remplis, la structure n’existe pas, Al Qaïda n’existe pas.

Chouet montre toutefois qu’une autre forme d’organisation existe, un réseau de gens isolés, les loups solitaires qui se revendiquent d’Al Qaïda. Maintenant que l’information circule, n’importe quel terroriste peut se dire d’Al Qaïda s’il se sent proche des valeurs d’Al Qaïda. Il n’a pas besoin adhérer au parti pour être membre du parti.

Pour Chouet, on ne combat pas une structure en réseau avec des armées hiérarchisées. On ne fait ainsi que créer des dommages collatéraux qui ont pour effet d’engendrer de nouveaux terroristes. Pour s’attaquer au réseau, il faut une approche en réseau. Exemple : proposer en tout point du territoire une éducation et une vie digne aux hommes et aux femmes qui pourraient devenir membres du réseau.

Tous ceux qui critiquent Internet et même tous ceux qui théorisent à tort et à travers à son sujet devraient écouter et réécouter cette conférence d’Alain Chouet. Trop souvent, ils pensent hiérarchies et oublient que le Web a été construit par des loups solitaires (à commencer par Tim Berners-Lee qui a travaillé en perruque au CERN). Pour créer un site Web, nous n’avons rien à demander à personne.

Inversement, si des gens veulent utiliser internet pour s’attaquer à des structures centralisées, ils ont tout intérêt à adopter une stratégie en réseau (à moins d’être de force égale ou supérieure à leurs ennemis centralisés).

Le cyberoptimisme

En introduction du dossier de Books, Olivier Postel-Vinay veut en finir avec le cyberoptimisme. C’est un peut comme s’il écrivait qu’il fallait en finir avec l’église catholique, l’anarchisme ou le capitalisme. Le cyberoptimisme, c’est l’engagement militant que j’évoquais.

Il ne s’agit pas d’en finir mais de faire que cet optimisme se concrétise et transforme la société, cette société pas toujours belle à voir. Sans optimisme, elle risque de se gâter davantage. Et puis optimisme rime-t-il avec irréalisme ? Je ne vois pas de lien de cause à effet.

Et puis quand on écrit dans un canard qui se prétend sérieux et qu’on fait parler des gens comme Berners-Lee, on les cite. Où le père du Web a-t-il dit qu’Internet pouvait jouer un rôle sur le plan démocratique ?

[Berners-Lee] se persuada très tôt du rôle positif, voire révolutionnaire, que ce nouvel instrument pourrait jouer sur le plan de la démocratie, écrit Postel-Vinay. Avec le Web, Internet offrait désormais à tout un chacun la possibilité de s’exprimer immédiatement dans la sphère publique et d’y laisser une trace visible par tous, dans le monde entier. Bien avant l’apparition de Google et autres Twitter, l’outil affichait un énorme potentiel de rénovation civique.

Que de confusions. Internet tantôt un instrument, tantôt un outil, pourquoi pas un media. Internet est bien plus que tout cela : un écosystème où l’ont peut entre autre, créer des outils. Il ne faut pas confondre le Web et les services Web comme Google ou Twitter. Cette confusion peut avoir des conséquences aussi dramatiques que de prendre Al Qaïda pour une structure hiérarchique et l’affronter comme telle.

Le Web est une structure décentralisée, en grande partie auto-organisée. Google, Twitter, Facebook… sont des entreprises centralisées, structurées sur le même modèle que les gouvernements les plus autocratiques de la planète. Comment imaginer que des citoyens pourraient faire la révolution en recourant à ces services ? Il faut être un cyberdumb comme Clay Shirky pour le croire. Alors doit-on dénigrer Internet à cause d’un seul imbécile avec pignon sur rue outre atlantique ?

La partie politique du dossier de Books ne s’appuie que sur les théories de Shirky critiquées par Evgueni Morozov. C’est surréaliste. Shirky vit dans le monde des capital-risqueurs américains. Vous vous attendez à une quelconque vision politique novatrice venant d’un tel bonhomme ?

Comment quelqu’un nourri à la dictature de l’argent pourrait penser la révolution politique ? Il ne le peut pas. Pour lui la révolution ne peut passer que par les services cotés en bourse. On n’abat pas la dictature avec des outils dictatoriaux sinon pour établir une nouvelle dictature.

Il faut arrêter de prendre Shirky en exemple et de généraliser ses idées à tous les penseurs du Web. Surtout à Berners-Lee qui n’a jamais fait fortune. Qui s’est toujours tenu à l’écart du monde financier.

Dans Weaving the Web, il évoque le rôle de la transparence des données et de leur interfaçage (ce qu’il appelle le Web sémantique). Il a souvent depuis répété que les démocraties se devaient d’être transparentes, ce que permet le Web. Ce n’est pas quelque chose d’acquis et c’est pourquoi il faut des militants. Le Web en lui-même ne suffit pas. Sa simple existence ne change pas le monde. C’est à nous, avec lui, de changer le monde.

La volonté de puissance

En 2006, quand j’écrivais Le cinquième pouvoir, nous en étions encore à une situation ouverte. Les militants comme les activistes politiques utilisaient divers outils sociaux de petite envergure qu’ils détournaient parfois de leur cible initiale. Personne ne savait a priori d’où le vent soufflerait.

Aujourd’hui, tout le monde partout dans le monde utilise les mêmes outils, des monstres centralisés faciles à contrôler (espionner, bloquer, contraindre… il suffit de suivre les péripéties de Google en Chine). De leur côté, les partis politiques, à l’image des démocrates d’Obama durant sa campagne 2008, créent leurs propres outils pour mieux contrôler leurs militants. D’ouverte, nous sommes passés à une situation fermée. La faute en incombe à trois composantes sociales.

  1. Les engagés qui se mettent en situation de faiblesse en utilisant des outils centralisés.
  2. Les forces politiques traditionnelles, au pouvoir ou à sa poursuite, qui elles aussi mettent en place des outils centralisés pour mieux contrôler (et on peut accuser tous ceux qui les conseillent afin de s’enrichir).
  3. Les développeurs de services qui veulent eux aussi contrôler et qui poussent à la centralisation pour maximiser leurs bénéfices.

Ce n’est pas en utilisant Twitter, ou tout autre service du même type, que les citoyens renverseront la dictature ou même provoqueront des changements de fond dans une démocratie.

[…] les six derniers mois [de la révolution iranienne] peuvent être vus comme attestant l’impuissance des mouvements décentralisés face à un état autoritaire impitoyable – même quand ces mouvements sont armés d’outils de protestation moderne, écrit Morozov.

Nouvelle confusion entre bottom-up, ce mouvement qui monte de la base iranienne, et la décentralisation qui elle n’est accessible que par l’usage d’outils eux-mêmes décentralisés. La modernité politique est du côté de ces outils, pas de Twitter ou Facebook qui ne sont que du téléphone many to many à l’âge d’Internet.

Avec ces outils centralisés, on peut au mieux jouer le jeu de la démocratie représentative installée, sans jamais entrer en conflit avec les intérêts de ces forces dominantes. Impossible de les utiliser pour proposer des méthodes réellement alternatives à celles choisies par les gouvernements. Par exemple, si les monnaies alternatives se développent avec des outils centralisés, elles seront contrées dès qu’elles dérangeront.

  1. Un service centralisé est contrôlable car il suffit d’exercer des pressions sur sa hiérarchie.
  2. Un service centralisé est contrôlable car il dépend d’intérêts financiers. Rien de plus confortable que de céder à des tyrans en échange de revenus conséquents.
  3. Un service centralisé n’est presque jamais philanthropique.
  4. Un service centralisé dispose d’une base de données d’utilisateurs. Il ne garantit pas la confidentialité. « Sans le vouloir, les réseaux sociaux ont facilité la collecte de renseignements sur les groupes militants, écrit Morozov. » Sans le vouloir ? Non, leur raison commerciale est de recueillir des renseignements pour vendre des publicités.
  5. Un service centralisé où tout le monde se retrouve c’est comme organiser des réunions secrètes aux yeux de ses ennemis.
  6. Un service centralisé est par principe facile à infiltrer.

Cette liste des faiblesses politiques des outils comme Twitter ou Facebook pourrait s’étendre presque indéfiniment. Il faut être naïf pour songer un instant que la révolution passerait par ces outils. Le capitalisme ne peut engendrer qu’une révolution capitaliste. Une révolution pour rien : le passage d’une structure de pouvoir à une autre. Pour les asservis, pas beaucoup d’espoir à l’horizon.

Dans Le cinquième pouvoir, je parle de la nécessité de nouvelles forces de décentralisation. Aujourd’hui, les partis mais aussi les militants n’utilisent le Web que comme un média un peu plus interactif que la télévision. Pas de quoi encore changer la face du monde. C’est ailleurs que se joue la révolution sociale de fond.

Si les dictatures s’adaptent sans difficulté aux outils centralisés comme le montre Morozov, elles sont tout aussi dans l’embarras que les démocraties pour lutter contre le P2P. Cela montre la voie à un activisme politique indépendant et novateur, quels que soient les régimes politiques. Pour envisager la rénovation avec le Web, il faut adopter la logique du Web, c’est-à-dire la stratégie des loups solitaires.

  1. Usage d’outils décentralisés, notamment du P2P.
  2. Aucun serveur central de contrôle.
  3. Anonymat garanti.
  4. Force de loi auto-organisée pour éviter les dérives pédophiles, mafieuses…
  5. Économie où Internet est si vital qu’il ne peut pas être coupé ou même affaibli sans appauvrir les structures dominantes. Ce dernier point est fondamental.

À ce jour, seul le Web lui-même s’est construit en partie suivant cette approche, ainsi que les réseaux pirates et cyberlibertaires de manière plus systématique.

La démocratie P2P

Mais qu’est-ce qu’on appelle démocratie ? Quelle démocratie Internet pourrait-il favoriser ? Utilisé pour sa capacité à engendrer des monstres centralisés, il ne peut que renforcer le modèle représentatif, quitte à le faire verser vers la dictature.

Internet est potentiellement dangereux (mais qu’est-ce qui n’est pas dangereux entre nos mains ?). Il peut en revanche nous aider à construire un monde plus décentralisé, un monde où les pouvoirs seraient mieux distribués, où la coercition s’affaiblirait, où nous serions moins dépendants des structures d’autorités les plus contestables.

Exemple. Les blogueurs ont potentiellement le pouvoir de décentraliser la production de l’information et sa critique. Je dis bien potentiellement. À ce jour, le phénomène est encore marginal. Mais ne nous précipitons pas. Le Web a vingt ans. Il y a dix ans la plupart des Internautes ne savaient rien d’Internet. Nous ne pouvons pas attendre du nouvel écosystème qu’il bouleverse la donne du jour au lendemain. Ce serait catastrophique et sans doute dangereux. Que les choses avancent lentement n’est pas un mal.

Alors n’oublions pas de rêver. Mettons en place les outils adaptés à nos rêves et utilisons-les dès que nécessaire pour résister. Ne commettons pas l’imprudence de nous croire libres parce que nous disposons d’armes faciles à retourner contre nous.

Avez-vous vu un gouvernement favoriser le développement du P2P ? Certains parmi les plus progressistes le tolèrent, les autres le pénalisent. Le P2P fait peur. Voilà pourquoi un pirate inoffensif écope de 2 ans de prison. Voilà pourquoi aussi il n’y aura de révolution politique qu’à travers une démocratie P2P.

Cessons de nous demander en quoi Internet bouleverse la démocratie représentative. En rien, en tout cas en rien de plus que la télévision en son temps, il exige de nouvelles compétences et favorisent d’autres hommes, au mieux peut-être porteur d’idées plus novatrices, mais rien n’est moins sûr.

Si Internet doit bouleverser la politique, c’est en nous aidant à inventer une nouvelle forme de démocratie, une démocratie moins autoritaire, une démocratie de point à point, une démocratie de proximité globale.

Au fait, j’ai titré ce billet “Internet stimule l’imbécilité” parce que la peur d’Internet fait dire n’importe quoi à des gens qui ne savent pas ce qu’est Internet et qui recoupent des textes écrits par des intellectuels qui eux-mêmes ne connaissent pas Internet (et la régression pourrait être poussé bien loin).


(1) J’ai trouvé ces peines dans un commentaire sur Numerama. J’ai un peu fouillé pour constater que les peines pour viol aux US étaient de durée variable mais parfois de juste 128 jours de prison.

(2) Dans le même article de Numerama.

> Article initialement publié sur Le peuple des connecteurs

]]>
http://owni.fr/2010/03/03/internet-stimule-l%e2%80%99imbecilite/feed/ 3