OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Storytell your music http://owni.fr/2011/05/19/storytell-your-music/ http://owni.fr/2011/05/19/storytell-your-music/#comments Thu, 19 May 2011 15:42:04 +0000 ANA VASILE ET OLIVIER GODEST http://owni.fr/?p=31913 Olivier GODEST est responsable de la communication et des formations pour le Transmedia Lab. Il rejoint le groupe Orange et l’équipe du Transmedia Lab en 2009 et y développe une expertise sur le développement de projets transmedia (multi-supports) en s’appuyant notamment sur les nouvelles opportunités entre les producteurs de contenus et les marques. Ana Vasile a travaillé au département création d’une agence de publicité avant de devenir assistante du responsable de la communication et des formations pour le Transmedia Lab. Elle rejoint l’équipe du Transmedia Lab en 2011 et participe plus particulièrement au développement d’une nouvelle politique éditoriale et à la rédaction d’articles pour le blog.

Face aux évolutions d’usages et aux nouvelles habitudes de consommation media, l’industrie de la musique rencontre des problèmes similaires à ceux recensés dans l’audiovisuel : des audiences instables, une concurrence croissante des contenus et le piratage. Pourtant, de nouveaux modèles économiques et des projets multiplateformes émergent: Jay Z, Gorillaz ou encore Nine Inch Nails par exemple, renforcent leurs relations avec le public à travers le storytelling.

Les nouveaux modèles de distribution

Les auteurs et les maisons de disque se confrontent aujourd’hui principalement à un problème : la baisse des ventes des supports physiques (CD, DVD) directement liée à l’explosion du numérique.

Même si souvent invoquée comme principale crainte par les producteurs, la musique ne représente que 2,9 % des téléchargements illégaux, comme le démontre l’étude publiée par Ars Technica. Pendant que la plupart des grands producteurs concentrent leurs efforts pour combattre la piraterie au travers d’entités comme la BPI au Royaume Uni, la loi Hadopi en France ou la RIAA aux Etats-Unis, de nouveaux acteurs développent des nouveaux modèles économiques autour de la musique et changent ainsi le terrain de jeu.

Par exemple, Spotify est un fournisseur d’accès gratuit à la musique qui comptait l’année dernière 10.000.000 d’utilisateurs pour son service financé par la publicité. Depuis le 1er mai, la politique de Spotify a évolué sous la pression des maisons de disque.

Les nouveaux utilisateurs de Spotify continueront de profiter du service gratuit, tel qu’il est actuellement proposé, pendant encore 6 mois. Ensuite, tous les utilisateurs du service gratuit pourront écouter un titre 5 fois maximum. Après cette limite l’utilisateur devra acheter le titre.

De plus, le nombre d’heures d’écoute sera limité à 10 heures par mois, une réduction de 50 % du temps d’écoute par rapport à l’année dernière. Spotify a été amené à changer sa politique de gratuité sous la pression des producteurs de musique qui dénonçaient un modèle économique à perte pour eux. Par exemple, Lemonde.fr

critiquait les modèles basés sur le streaming en analysant la distribution d’argent qui en découle et en soulignant que les artistes et les labels indépendants peuvent être désavantagés.

De l’autre côté de la barrière, un million d’abonnés paient déjà chaque mois 9,99 euros pour le service premium, sans publicité et disponible sur les mobiles. De la même manière Last.fm, iTunes ou encore Amazon surfent depuis des années sur la vague de la musique digitale. Apple occupe à travers son application iTunes une position de leader des plateformes de diffusion de musique.

Ces exemples montrent que face à l’explosion du digital, le monde de la musique est confronté à une nécessité de faire évoluer ses plates-formes de distribution et donc ses modèles économiques. L’évolution du contexte global, demande aussi un changement dans la manière de « vendre » la musique. Les opérations marketing autour des artistes évoluent donc en parallèle, s’appuyant sur des éléments de storytelling amenant une valeur ajoutée à l’offre culturelle.

« A reason to buy » : Une raison pour acheter

Gerd Leonhard, consultant en communication et media, comparait la musique avec l’eau en bouteille. L’eau est disponible quasi-gratuitement au robinet, mais le marché de l’eau – embouteillé – vend chaque année plus de 89 milliards de litres d’eau dans le monde. Leonhard souligne l’omniprésence de la musique. Les internautes peuvent l’obtenir gratuitement et de plus en plus de maisons de disques cherchent à attirer l’attention limitée du consommateur.

Le monopole économique détenu pendant des années par les producteurs et distributeurs classiques est rompu, notamment en raison de nouveaux business models basés sur l’accès numérique. Voici la question que Leonhard se pose : pourquoi payer pour une bouteille d’eau quand celle-ci est disponible gratuitement au robinet ? La solution suggérée par l’auteur est l’engagement, la conversation, l’attractivité et la communauté. Ne vendons pas simplement de la musique, mais une expérience…

Robert Pratten, fondateur de « Transmedia Storyteller » et consultant transmedia, abordait le même sujet lors de sa présentation sur l’application des concepts transmedia au monde de la musique. Le storytelling pourrait-il donner un motif d’achat supplémentaire aux internautes, aux générations qui, peut-être, n’ont jamais acheté un CD ?

Pratten compare l’industrie de la musique à celle du parfum :

On ne vend pas de l’eau parfumé, mais des rêves.

Selon lui, l’industrie de la musique doit s’inventer une valeur ajoutée pour retrouver une valeur économique.

Une solution envisageable serait donc de « mettre l’artiste dans une position de catalyseur social, d’être en connexion directe avec les communautés et de leur donner un motif pour dépenser leur argent ». Instinctivement, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à Lady Gaga qui a su créer un véritable univers autour de son personnage… « Le succès demande plus qu’une grande communauté, mais aussi de la crédibilité et de l’authenticité, une relation avec l’artiste » concluait Pratten. Il nous conseille de construire un univers narratif pour l’intégralité de la carrière d’un artiste et une arche narrative pour chaque album et chaque chanson.

Cela peut paraître évident, mais les fans seront susceptibles de vouloir prolonger une expérience qui les a fait vibrer. L’univers musical dans lequel ils sont immergés consolide le sentiment d’appartenance à une communauté qui partage les mêmes valeurs qu’eux. Une idée exploitée par le web-documentaire « Ma tribu, c’est ma vie » qui donne la parole à huit internautes expliquant pourquoi la musique et Internet transforment leurs relations interpersonnelles et contribuent à forger leur identité.

La création d’un univers narratif global construit notamment autour de la personnalité d’un artiste, ou d’un groupe, peut dès lors être un moyen de renforcer l’engagement d’un public déjà plus ou moins acquis à sa cause. Les passionnés seront récompensés en gagnant des éléments d’affinités plus forts avec les artistes qu’ils apprécient, en leur fournissant les outils adéquats, ils pourront même devenir de fidèles ambassadeurs. Les passifs apprécieront une mise en scène globale et cohérente qui fournira des éléments de repères importants, sur lesquels pourront également s’appuyer les néophytes pour rentrer dans l’univers. C’est ce qu’ont déjà commencé à faire certains artistes comme le groupe Gorillaz, le rappeur Jay-Z ou encore le groupe de rock Nine Inch Nails…

Les pionniers de la musique transmedia

Les univers inspirés par leur musique, leurs vies ou leurs personnages, sont des éléments de valeur ajoutée pour les produits qu’ils mettent en vente : un nouvel album, des places de concert ou encore un livre…

Les alter egos de Gorillaz : des personnages qui vivent en multiplateforme

Gorillaz est un groupe de musique anglais, virtuel, dont les deux créateurs principaux sont Damon Albarn (le chanteur de Blur et de The Good, the Bad and the Queen) et Jamie Hewlett (le dessinateur de Tank Girl). Les membres de Gorillaz sont représentés comme des personnages de bande dessinée.

Ils construisent ainsi pour chaque clip vidéo une histoire autour de leurs personnages rapidement identifiables, chacun représente un membre du groupe.

« Journey to Plastic Beach » est un dessin animé de 15 minutes qui présente le voyage de Murdoc (le grand tout à droite) vers l’ile de Plastique, là où le personnage aurait conçu le dernier album de Gorillaz : « Plastic Beach ». L’histoire continue en racontant ses efforts pour retrouver tous les alter egos des membres du groupe et ses péripéties abracadabrantes pour retrouver l’esprit des Gorillaz.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pour faire la promo de leur tournée mondiale, une chasse au trésor a été organisée sur Internet, l’objectif : retrouver sur la toile, les 12 personnages de l’univers Gorillaz. Ceux qui finissaient la quête gagnaient un mix exclusif et participaient automatiquement à un tirage au sort pour gagner une planche de surf désignée par Jamie, l’un des membres du groupe.

Sur Internet, il existe deux sites officiels : le .fr qui est le site promo marketing classique et le .com qui est un site sur lequel on peut voyager dans l’univers Gorillaz (notamment sur Plastic Beach actuellement) sous la forme d’un jeu de rôles interactif.

Sur ce site dédié à l’univers Gorillaz on peut également jouer à une douzaine de mini-jeux , regarder des vidéos, écouter une « radio pirate », avoir accès à l’ensemble des albums du groupe. Accessoirement, la page fan Facebook regroupe actuellement environ 3,5 millions de fans.

Decoded by Jay-Z

En 2010, l’artiste Jay-Z publiait son mémoire, un conglomérat d’histoires personnelles, de musiques et de références à sa culture. Pour promouvoir ce lancement, l’agence New-Yorkaise Droga5 mettait en place une campagne multiplateforme et une chasse au trésor sur Internet et dans le monde réel.

Spiegel & Grau, l’éditeur de Jay-Z, a fait un partenariat avec le moteur de recherche Bing. La page dédié, crée par le moteur de recherche, devenait le point de départ de l’ARG (Alternate Reality Game). Les internautes étaient alors invités à retrouver les 320 pages du mémoire de Jay-Z, cachées à Las Vegas, à New York, à Hollywood ou même en Royaume-Uni.

Chaque cachette était référencée dans son livre comme un endroit clef de la vie de l’artiste. Aidés par des cartes Bing et des indices fournis par Jay Z sur son Twitter et sur sa page Facebook, les internautes se sont embarqués dans cette chasse au trésor.

Ceux qui ont réussi à déchiffrer tous les indices ont été sélectionnés pour un tirage au sort. Le prix pour le gagnant était un accès à vie à tous les concerts de Jay Z.

Pour augmenter l’intérêt des joueurs, les organisateurs ont joué sur l’ego des internautes : le premier à trouver la cachette d’une page pouvait « annoncer » sa découverte sur le site de la campagne et y associer son nom. De cette façon les autres joueurs pouvaient voir le nom de ceux qui avaient découvert chaque page.

Les pages étaient cachées sur des panneaux publicitaires, dans l’emballage d’un hamburger, sur le fond d’une piscine, dans des magasins de musique ou de bijoux, dans son bar préféré, sur le sac de frappe de sa salle de gymnastique ou encore sur le dos des T-shirts des serveurs dans un café.

En quatre semaines, les joueurs ont réussi à trouver toutes les pages ; en récompense ils ont reçu des livres dédicacés par Jay-Z ou par tirage au sort un autre grand prix : un voyage à Las Vegas pour le concert du Nouvel An de Jay-Z et Coldplay.

La campagne de promotion a été financée par Bing et non par l’éditeur. Le Directeur Marketing de Bing, refusait de divulguer le budget de la campagne mais affirmait pour le New York Times que « des coûts importants sont associés à ce projet ».

Cependant, les résultats ont été positifs ! Bing a eu en novembre 2010, sur la période de la campagne, la plus importante part de marché du trafic américain de son existence : 11.8 %

Nine Inch Nails : une relation longue durée

L’ARG “Year Zero”

En 2007, le groupe de musique Nine Inch Nails (NIN) met en place un ARG à l’occasion de la sortie de son nouvel album « Year Zero », avec l’aide de l’agence 42 Entertainment.

Dans cette chasse au trésor en réalité alternée, les indices étaient fournis à travers des indices textuels sur des T-shirts NIN et des singles du nouveau album laissés sur des clefs USB. Le tout caché dans des toilettes sur les lieux de leurs concerts, sur des sites Internet ou via des numéros de téléphone. Tous ces éléments aidaient les joueurs à avancer dans l’histoire sombre de Year Zero : un monde rongé par une guerre infinie et une catastrophe environnementale.

Le but de ce projet était de faire vivre aux fans une expérience en lien avec l’univers de l’album.

Le leader du groupe, Trent Reznor, qualifiait cette expérience comme « une nouvelle forme de divertissement ». Selon lui, l’effet combiné du divertissement, du bouche à oreille et de l’engagement du public fait de cet ARG un parfait outil pour promouvoir son album. Pour plus d’informations sur leur expérience transmedia, voici l’étude de cas par l’agence 42 Entertainment.

L’application iPhone de NIN

Pour rester en contact avec son public et pour récompenser leur fidélité, NIN a fait en 2008 un partenariat avec Tap Tap Revenge, un jeu pour iPhone qui teste le rythme des joueurs à la façon des « Guitar Hero » like.

Le groupe avait crée sa propre version du jeu, pour le prix de 4.99$ chacun pouvaient tester son rythme sur 13 chansons de NIN. De plus, ceux qui arrivaient à dépasser un certain score pouvaient gagner des places aux concerts de NIN et le grand prix « une guitare Les Paul signée par Trent Reznor »

La course aux tickets

Toujours en 2008, Nine Inch Nails a trouvé une autre façon de fédérer sa communauté.

Pour ceux qui habitaient à Los Angeles, Trent Reznor avait caché des places de concert dans des parcs, sous des pierres, dans des fossés… Chaque cachette était annoncée sur le feed Google Earth du groupe. Vous pouvez lire ici le post d’un blogueur qui raconte sa course aux tickets.

Conclusion

Ces exemples montrent que le storytelling peut aider les artistes à proposer des expériences parallèles ancrées dans leurs univers musicaux. Nine Inch Nails et Jay-Z ont réussi à engager leurs communautés de manière sincère avec une communication ininterrompue, comme le conseillait Pratten.

Ces deux opérations sont similaires dans la mécanique de jeu mais avec des approches différentes. Pendant que Jay-Z construisait un univers narratif multiplateforme autour de sa vie et de son personnage (notamment au travers de son autobiographie et de son ARG) le groupe rock NIN construisait son univers narratif autour de sa musique, forte d’une ambiance particulière. Gorillaz aborde une autre technique en développant des personnages virtuels et en faisant évoluer leur univers à chaque nouvel album.

Si l’industrie de la musique peut apprendre de l’audiovisuel et construire des univers narratifs autour de ses produits pour mieux engager ses fans, l’audiovisuel pourrait également apprendre de l’industrie musicale à construire des événements autour de ses contenus « classiques ».

Nous n’avons pris ici que trois exemples mais la liste des artistes ayant développé un univers de storytelling transmedia est bien plus longue, on peut penser à Michael Jackson ou encore aux Daft Punk. Si vous aussi vous avez des exemples d’artistes qui méritent une place dans la liste des pionniers de la musique transmedia, n’hésitez pas à nous les faire partager dans les commentaires ou sur la page Facebook du Transmedia Lab.

Article initialement publié sur : transmedialab

Crédits photos CC Flickr : labyrinth et Gigijin

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Murdoch vs Google http://owni.fr/2009/12/09/murdoch-vs-google/ http://owni.fr/2009/12/09/murdoch-vs-google/#comments Wed, 09 Dec 2009 11:54:19 +0000 Admin http://owni.fr/?p=6019 Sur son blog, Nils s’interroge sur les effets d’une désindexation des contenus du groupe Murdoch par Google :

Quelques réflexions sur l’éventuelle désindexation des contenus du groupe Murdoch chez Google. Soyons clair : l’indexation est indépendante du problème de paywall …

» La suite sur SVN

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L’ordinateur est en train de l’emporter sur le computer http://owni.fr/2009/11/26/l%e2%80%99ordinateur-est-en-train-de-l%e2%80%99emporter-sur-le-computer/ http://owni.fr/2009/11/26/l%e2%80%99ordinateur-est-en-train-de-l%e2%80%99emporter-sur-le-computer/#comments Thu, 26 Nov 2009 10:56:33 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=5740

322481121_f5712a70b2_o1A ses débuts, l’ordinateur était une grosse calculatrice avec des boucles d’itération et des fonctionnalités mathématiques un peu avancées. Puis avec le perfectionnement et l’ajout de composants internes ou externes, ce fut aussi progressivement une machine à écrire, à mettre en page, à mettre des sons, à créer des images, à les animer… aujourd’hui, c’est une machine qui peut aussi se connecter à d’autres et permettre à son utilisateur d’interagir avec des applications distantes, de piocher dans des bases d’informations, ou d’être en contact avec d’autres utilisateurs par des moyens électroniques.

Ce qui était une machine dont l’étalon était la puissance est devenu un maillon d’un réseau dont le point fort est le nombre, la force et la diversité des liaisons. Le rigide computer est devancé par le complexe et riche ordinateur. Comme notre cerveau.

Le terme français est assez étonnant car plutôt isolé (avec l’italien) : l’ordinateur, c’est ce qui range, classe, trie. Alors que le terme anglais computer et ses déclinaisons en allemand, russe, portugais, serbe, hollandais, coréen, grec… définit ce qui calcule. D’après ce que j’ai trouvé, il existe aussi deux cas étonnants : les norvégiens et suédois datamaskin qui suggère l’exploitation de données, et le slovaque počítač (littéralement : « ce qui permet de lire, de visionner »). Notons que l’espagnol ou le roumain semblent employer indifféremment les deux notions, calcul et organisation, mais toute précision extérieure est la bienvenue.

Si j’en crois Wikipedia, c’est le philologue Jacques Perret qui aurait proposé en 1955 à IBM (qui trouvait le terme computer trop restrictif) le mot « ordinateur », par référence biblique au grand ordonnateur qui organise le monde. Il met les choses dans l’ordre.

Et bien cette conception de la machine, qui n’est pas sans rapport avec une vision plus globale de l’intelligence et des capacités mentales, est passée en partie au second plan. Certes, une bonne puissance (qu’il s’agisse du processeur ou de la mémoire vive) est utile pour faire fonctionner correctement certaines applications gourmandes en ressources ou pour en maintenir plusieurs actives en même temps, mais le succès commercial des netbooks et la baisse parallèle des ventes d’ordinateurs montre que la course au toujours plus n’est plus forcément de mise. Le good enough se fait plus prégnant quand les moyens financiers sont en baisse, quand la machine portable est un quatrième écran, mais aussi quand un marché sature et cherche à s’étendre… vers le bas.

Car les pratiques ont changé, et notre conception de l’intelligence et des capacités mentales également sans doute. Depuis quelques temps, avec les nouveaux outils de partage (Digg et autres delicious) et d’attraction de contenus (RSS) et les médias sociaux (blogs, Facebook, Twitter, Dailymotion…), la technologie est devenue transparente pour nous permettre de faire des choses sans faire de calculs : propulser et recevoir des informations dans une infosphère dont les caractéristiques (locuteurs, interlocuteurs, tempo, volume, capillarité entre les différents canaux) sont propres à chacun. Nous entrons dans un moment où il devient important de filtrer, trier, classer les informations et les données pour gagner du temps, éviter l’infobésité et enrichir utilement son propre savoir tout en contribuant au savoir des autres. Là où auparavant il importait avant tout de calculer, depuis que le grand public s’est emparé de l’ordinateur, il importe davantage de savoir chercher et archiver, connecter et archiver.

Ce sont bien ces enjeux qui animent à la fois les communautés de l’informatique mais aussi de l’information et du savoir en général :

» stockage (espace, serveurs dédiés, logiciel et base de données comme services distants) et archivage (classement et indexation, traçabilité, effacement et droit à l’oubli)

» classement et taxonomies personnalisées à plusieurs dimensions grâce aux tags (sur les favoris partagés comme delicious, mais aussi sur Twitter avec les hashtags) ou aux listes, ou encore sous forme dynamique et d’organigramme visuel comme Pearltrees.

» accès aux données, c’est à dire recherche dans les archives mais aussi libération des données enfermées dans des silos, avec l’exemple de la donnée publique ouverte et le data.gov

» alertes et informations en temps réel, avec par exemple l’intégration des gazouillis de Twitter dans Bing ou Google, et le récent accord BNO / MSNBC, et plus simplement l’intégration des flux RSS dans des outils professionnels (récent partenariat Netvibes / Sage). Signe des temps : le web et temps réel est la thématique de la conférence LeWeb’09.

»recoupement et rapprochement d’informations et d’idées : fact checking (suivre à ce sujet l’expérience du Monde.fr : les décodeurs), graphes sociaux, applications composites ou mashups, mise en regard de valeurs ou évolution dans des infographies, cross-over entre univers.

» partage de différents types de documents (texte sur Scribd, présentation sur Slideshare, liens grâce aux raccourcisseurs d’URL comme bit.ly qui permet d’obtenir des statistiues sur les taux de clics, vidéos avec YouTube et autres Dailymotion ou Vimeo) par tous types de moyens de diffusion, du statut Facebook : le lifecasting ou 36 15 MyLife a fait place au mindsharing façon “regardez ce que j’ai découvert”. L’illustration la plus récente et significative est l’invite de Twitter, qui est passé de “What are you doing ?” à “What’s happening ?”

» vote et qualification des contenus pour améliorer collectivement la pertinence du classement et de l’indexation : au-delà du commentaire, donner simplement un “plus” ou un “moins”, ou bien attribuer une note, est un système que l’on retrouve sur Agoravox ou Le Post, mais aussi dans d’autres systèmes qui font remonter les “tops”, par exemple les tops des lecteurs et les tops selon les contributeurs chez aaaliens.

Il s’agit donc aujourd’hui d’organiser le savoir, son accès et ses exploitations plutôt que de la simple machine à calculer. Pour reprendre l’expression que m’avait suggéré il y a quelques mois un camarade qui prenait au sérieux l’organisation de sa tuyauterie médias sociaux : nous sommes passés d’une obsession du neurone à un focus sur le pouvoir des synapses. Le parallèle avec le cerveau est particulièrement pertinent.

Ce réseau de cellules constitue une formidable machine à classer, ranger, regrouper, associer… et à remplir les vides ou à remettre de l’ordre quand il en manque. Il faut une certaine dose d’abstraction et d’extrapolation pour faire de quelques minuscules pixels un personnage, par exemple Mario en 1981. Pourtant, même en proposant la version d’origine à un jeune joueur aujourd’hui, son cerveau remplira spontanément en très peu de temps les vides pour “lisser” le personnage et se figurera quelque chose proche de ce qu’on peut voir en 2008. Il y a là quelque chose de fractal : à partir de traits grossiers, le cerveau imagine la complexité.

De même, le fameux exemple de dyslexie montre que le cerveau remet les lettres dans l’ordre assez facilement et on se surprend à lire de manière plutôt fluide ce qui est pourtant mélangé.

Cela fait partie de facultés infra-conscientes de nos cellules grises, qui travaillent très vite et à notre insu. On peut très bien faire de savants calculs balistiques de paraboles en fonction du vent, du poids de l’objet, de la distance… et arriver 5 minutes après pour ramasser la balle au sol, ou bien simplement laisser faire nos yeux et notre cerveau et la rattraper au vol (et éventuellement de libérer un prisonnier au passage).

La génération Y qui a pu connaître le début de l’ordinateur et la fin du computer ressent plus naturellement que c’est la connexion et l’efficacité qui prime désormais sur la grosse machinerie. Cela permet d’accéder à davantage de richesse, d’apports extérieurs, de gagner en souplesse et en réactivité. Pourtant, dans les parcours scolaires le “par cœur” et le “magistral”continue à être le credo, au détriment de l’apprentissage de la recherche et de la classification, de l’apprentissage d’un savoir-être et de la relation à l’autre, de l’encouragement au bidouillage et au do it yourself. En entreprise le modèle pyramidal avec tous ses rouages bien alignés prime encore sur le modèle lâche du réseau informel. Le débat tête bien pleine / tête bien faite est sans fin, mais au jeu de l’adaptation et de la réactivité, à l’heure où les contextes technologiques, économiques et sociaux évoluent vite, quand les pratiques dépassent la technique et se diffusent largement, il serait temps que les paradigmes sociaux en tiennent compte.


» Article initialement publié sur http://enikao.wordpress.com
» Photo de Une par ibananti sur Flickr

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