En Birmanie, le salaire moyen mensuel est de 30 dollars. Pour bénéficier de l’ADSL, il faut en débourser 120. Dans un pays où la majorité des habitants se connecte au réseau dans des cybercafés faute d’un équipement domestique, l’état de l’infrastructure nous ramène aux années 90, quand le haut débit n’existait pas, que la fibre optique était une utopie pas encore réalisée, et que le consommateur lambda s’accrochait à un forfait de 20 heures en mesurant sa chance.
Mais la vétusté du Myanmar ne fait pas tout : il faut également compter sur une censure extrêmement efficace, qui vaut au pays d’être classé dans la liste peu reluisante des “ennemis de l’Internet”, établie par Reporters Sans Frontières. Sur plus de 12 000 adresses IP distribuées aux fournisseurs d’accès locaux, tous inféodés au régime, seule une grosse centaine répond, une situation inique que le hacker et militant Jacob Appelbaum résume en ces termes:
Cela veut dire que tous les réseaux birmans, à l’exception de cette centaine, sont coupés du monde extérieur.
En tout et pour tout, le pays ne dispose que de trois fournisseurs d’accès, dont le plus important est représenté par le Ministry of Post and Telecommunications (MPT), donc l’Etat, qui garde la haute main sur le bouton d’alimentation du réseau.
Alors que l’Iran songe sérieusement à se doter d’un intranet national qui faciliterait encore un peu plus le travail des censeurs, le modèle birman s’affiche comme l’un des plus coercitifs au monde, sévèrement encadré par un arsenal de lois peu respectueuses des droits de l’homme et de la liberté d’expression. Et c’est une entreprise française, Alcatel-Lucent, qui fournit l’infrastructure de contrôle.
Alors qu’il tournait un documentaire sur place, le journaliste français Paul Moreira a découvert que le géant des télécommunications avait vendu sa technologie d’”interception légale” en partenariat avec la Chine. Dans le jargon, ce matériel de pointe porte un autre nom poli, le “Deep Packet Inspection” (DPI). Concrètement, il permet à un Etat de filtrer et lire l’intégralité des échanges électroniques de sa population, soit une arme redoutable pour tracer les dissidents. Pour se défausser de l’implication d’Alcatel, un de ses responsables propose cette pirouette rhétorique : “Qu’est-ce qu’il vaut mieux ? Des communications restreintes ou pas de communications du tout ?”
Ce n’est probablement pas l’avis de Zarganar, Nay Phone Latt et “Nat Soe”, trois blogueurs emprisonnés pour avoir exprimé un peu trop publiquement leurs opinions. Ils purgent actuellement des peines comprises entre 10 et 35 ans. En 2007 puis 2010, la junte a affiné son appareil répressif, en rationnant par exemple l’utilisation du Net à des tranches de six heures. Ce n’est pas un hasard si certains parlent de “Myanmar Wide Web” – une référence ironique au World Wide Web – pour évoquer le verrou birman.
Pour essayer de contourner ce pare-feu, des initiatives se développent, comme les Barcamps, dont la première mouture birmane a été organisée à Rangoun les 23 et 24 janvier 2010, rassemblant pas moins de 2 700 participants. Leur objectif ? Sensibiliser la population aux questions numériques, par l’éducation et la pédagogie. Pour l’édition 2011, pas moins de 4 000 personnes se sont rassemblées à Info-Tech, un quartier dédié aux nouvelles technologies, afin d’y parler de Facebook et de Twitter. Un tour de force dans un pays où le débit du réseau wifi affiche des performances à peine meilleures que celles d’un modem 56K souffreteux. Et surtout, un formidable pied de nez aux autorités.
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Image de Une réalisée par Marion Boucharlat pour Owni /-)
L’opposition birmane dans le monde et l’application interactive
Webdoc Happy World, Birmanie la dictature de l’absurde